Salut Najim, aucun rapport mais je trouve que tu Ă©cris vraiment bien.
:jesors:
Ave jim
Tn problÚme ,complÚxe, est à la fois humain et général.
La discrimination existe encore et ,malheureusement, existera toujours;
J’habite Ă La RĂ©union, rĂ©putĂ©e pour ĂȘtre un creuset harmonieux des diffĂ©rentes races et ethnies.
Certes nous sommes (encore?) loin des problÚmes de la métropole, mais malgré tout des problÚmes existent.
Il n’ existe pratiquement pas de mariage mixte avec un(e) musulman(e) et une personne d’une autre religion. Cela commence seulement pour la communautĂ© chinoise.
Certains rĂ©unionnais considĂšrent encore les “cafres” ou les mahorais comme infĂ©rieur.
Des “z’oreilles (mĂ©tropolitains) se croient encore tout permis, il existe aussi un certain ostracisme vis Ă vis de ces mĂȘmes z’oreilles.
Sur la route un auto stoppeur noir attend plus longtemps qu’un blanc .
Depuis trois ou quatre ans on voit des femmes compÚtement voilées. etc.
Malheureusement je n’ai pas de remĂšdes miracles(s’il y en avait cela se saurait), il faut continuer Ă informer les gens, leur faire comprendre qu’il ne faut pas gĂ©nĂ©raliser, leur montrer qu’il y a de braves gens partout etc.Mais cela ne peut ĂȘtre qu’un travail de longue haleine et venant du plus grand nombre.
Je cesse car je suis déjà long.
Bye bye et bon courage.
Du point de vue de lâanimateur que je suis, confrontĂ© Ă la violence au quotidien dans le cadre de mes fonctions, je me retrouve avec nuances dans les propos rĂ©currents des collĂšgues, mĂȘme si, parfois, Ă premiĂšre vue, les choses paraissent contradictoires et complexes.
Je ne devine pas, je sais car je partage pour lâessentiel, grĂące Ă mon faciĂšs, et par voie de consĂ©quence, Ă mon expĂ©rience, le dĂ©sespoir qui explique mais qui ne justifie en rien lâagressivitĂ© verbale ou physique. Dâautant que ces comportements, cette haine ainsi exprimĂ©e sont de nature Ă nourrir le rejet. Les premiers Ă en pĂątir sont ceux qui, comme moi, portent en leur front les stigmates de ces violences.
En effet, aux yeux des employeurs, collĂšgues, partenaires⊠Aux yeux de ceux qui accordent ou non la reconnaissance professionnelle, la confiance permettant lâĂ©volution de carriĂšre, le bĂ©nĂ©ficier dâun rĂŽle professionnel en harmonie avec ses aspirations, ses compĂ©tences⊠Aux yeux de mes alter Ă©gos, je resterai Ă©ternellement fils dâimmigrĂ©. Câest viscĂ©ral. La preuve : on peut pratiquer, se former, chercher, innover durant 20 ans ; on peut ĂȘtre complimentĂ© sur la qualitĂ© du travail et des analyses, pourtant, on se voit confier, toujours, les tĂąches et corvĂ©es dâanimateur novice, Ă peine sorti de lâĂ©cole : on parvient lĂ oĂč on a dĂ©butĂ©. On redouble 20 fois la premiĂšre annĂ©e dâanimateur de terrain, malgrĂ© les encouragements. Câest dâailleurs une technique connue qui consiste Ă flatter lâĂ©go des malmenĂ©s pour quâils donnent davantage dâeux-mĂȘmes.
Ainsi, les conditions et les excuses dâen vouloir Ă la terre entiĂšre et de pratiquer la politique de la terre brulĂ©e sont rĂ©unies, privant rĂ©ciproquement lâAutre dâune part de bonheur auquel il peut prĂ©tendre. On serait tentĂ© en effet de refuser Ă cet Autre la libertĂ© dont on ne peut bĂ©nĂ©ficier.
MalgrĂ© les efforts, je constate, Ă mon Ă©chelle, au bas de lâĂ©chelle, que je suis souvent entourĂ© de collĂšgues de bonne foie ou auxiliaires, nĂ©anmoins condamnĂ©s ad vitam ĂŠternam Ă occuper des postes de second ordre : faire figure de « grand-frĂšre » « passable », seul capable, non pas dâĂ©duquer, mais de teinter lâeffet miroir refoulĂ© de la sociĂ©tĂ© et de canaliser les revendications. En somme, des tapis dâOrient pour cacher le plancher crevassĂ©.
Dâailleurs, les annonces spĂ©cifient clairement : « Cherche animateur issu dâune zone urbaine sensible », territoires oĂč le droit a pris, il y a belles lurettes, la poudre dâescampette. La fiche de poste arrive tardivement, puisquâil sâagit de gĂ©rer physiquement les urgences et tenir les murs de la structure.
LâexpĂ©rience dĂ©montre en effet quâil nâest pas nĂ©cessaire dâhabiter une ZUS pour consolider les premiĂšres lignes. Pour une fois, lâapparente appartenance aux « quartiers » permet dâaccĂ©der Ă ce type dâemplois.
A lâoccasion, dans le souci de la prĂ©tendue « mixitĂ© sociale » ou de la « diversitĂ© », un bronzĂ© apparait mystĂ©rieusement parmi les cadres dirigeants, argument permettant dâaffirmer Ă ceux restĂ©s sur le carreau : « circulez, y a rien Ă voir, on a dĂ©jĂ notre « Arabe » ou notre Noir ».
De fait, les Ă©lĂ©ments « exotiques » parvenus Ă sâintĂ©grer durablement dans les quartiers sont les quotas, longtemps accusĂ©s Ă lâentrĂ©e des boĂźtes de nuit.
On le dĂ©plore notamment lors des rĂ©unions (partenariales, dâĂ©quipe, assemblĂ©es gĂ©nĂ©ralesâŠ), les nouveaux tirailleurs et goumiers, aux cĂŽtĂ©s de ceux qui sont confrontĂ©s aux situations de violences, sont nombreux mais rarement parmi les « gĂ©nĂ©raux », les dĂ©cideurs, ceux qui vantent les « valeurs(1) » dites « universelles » : justice sociale, Ă©galitĂ© des chances, citoyennetĂ©, solidaritĂ© et autres savoir-vivre et savoir-ĂȘtre.
On peut donc lĂ©gitimement soupçonner les tenants de ce discours de faire preuve de malhonnĂȘtetĂ©. LâactualitĂ©, la rĂ©alitĂ© auxquelles sont confrontĂ©s les animateurs, travailleurs sociaux et militants associatifs dĂ©noncent chaque jour les limites de ces boniments paternalistes. Rares sont en effet les dirigeants de ces conglomĂ©rats dâorganisation sociales et culturelles Ă souhaiter, Ă pouvoir apporter des fragments de rĂ©ponse concrĂšte. Si ce nâest lâintimidation, la pression, lâexclusion et la mutation Ă lâencontre des professionnels qui se risquent Ă leur rappeler leur responsabilitĂ©. Plus particuliĂšrement lorsque les jeunes, en leur nom ou au nom de leurs parents entassĂ©s dans les grands ensembles, interrogent, Ă leur maniĂšre certes, les adultes donneurs de leçons sur le sens et les rĂšgles du mythique « vivre ensemble ».
Pour exemple, lorsquâon se penche sur les effets positifs des 50 ans dâactivitĂ© de certaines structures, on peut sâinterroger sur lâhonnĂȘtetĂ© de leurs objectifs. Comment un demi siĂšcle dâaction sociale dĂ©sintĂ©ressĂ©e, dâanimation et de leçon du « vivre ensemble » dĂ©clinĂ©es sous diffĂ©rentes formes, ayant coĂ»tĂ© des milliards de deniers publics, nâont-ils pas rĂ©ussi, plus que ça, Ă instaurer durablement la paix sociale dans les quartiers des grandes agglomĂ©rations, de permettre Ă ceux qui se donnent les moyens de sâen sortir, aux compĂ©tences de sâaffirmer, aux diplĂŽmĂ©s de travailler, plutĂŽt que de laisser les extrĂ©mistes de tous bords, les dealers et autres criminels servir dâexemples, et devenir les interlocuteurs privilĂ©giĂ©s des habitants ? Aurait-on pour dessein de maintenir les « mellah » de la RĂ©publique en Ă©tat dâĂ©bullition, des rĂ©serves de « sauvageons » quâon excite Ă chaque Ă©chĂ©ance Ă©lectorale ?
Najim
Animateur, accessoirement basanĂ© et agent dâambiance
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(1) Ce terme a perdu de son sens Ă mesure quâil devient un fourre-tout, au point quâon doute des bonnes intentions de ceux qui lâemploient Ă bout de champ.