Critique des présupposés de la pédagogie nouvelle ou active

20 sujets de 1 à 20 (sur un total de 83)
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  • #40288
    ludou
      @ludou

      Salut,

      Lapin a écrit :

      Au sujet du rôle de l’animateur : évidemment qu’il a un rôle à jouer dans les pdld, qu’il est présent, qu’il intervient. Ce que je dis c’est qu’il y a, dans la théorie d’Houssaye telle qu’elle est présentée au fil de ses ouvrages sur les colos, un refus de la place prévalente. Le conseil dans les écrits d’Houssaye ne relève pas tellement de l’autorité mais plus de la persuasion « qui présuppose l’égalité et opère par un processus d’argumentation » comme l’explique H. Arendt (La crise de la culture p. 123). Avec cette mutation, les adultes renvoient à la pratique, au réel (la décision), tandis que dans l’institution classique (scolaire ou coloniale dit parfois Houssaye), ils renvoient à une fiction, au symbolique (l’autorité). Glissement autorité –> décision.
      Loin de moi l’envie de faire l’apologie des institutions de contrôle, de coercition et de discipline des corps que sont trop souvent les ACM (je ne vais pas te plagier, ton dernier article est très juste).
      L’animateur est un médiateur vis à vis de l’autorité. Par ses initiatives, ses refus, son influence, il la donne à voir. Mais en faisant cela, il contribue à son acceptation, il la rend familière, accessible, discutable. L’animateur « fait référence » (comme on dit d’un ouvrage qu’il est une référence) : ce n’est pas la copie et l’imitation du modèle, c’est permettre à l’enfant de s’orienter, par un repère humain hors de soi, de faire un détour, pour se poser ensuite comme auteur.
      Je pense que gestion démocratique de l’éducation, dans les pdld d’Houssaye encore une fois – peut-être que tu fais différemment sur le terrain – via le conseil notamment, est une forme de négation de l’altérité adulte / enfant. Je pense également qu’en se détachant des règles, des valeurs et des usages passés, Houssaye a rétrécit ses colos à la dimension du présent. Certes, la position « tout le monde était satisfait » d’XXYYZZ dans ses vœux de bonne année n’est pas acceptable. Mais y a t’il une position tenable entre le « on a toujours fait comme ça » et le « on réinvente tout à partir de rien » ?
      C’est cette façon de nier la dysmétrie adulte / enfant et de consacrer le présent qui me fait parler de refus du politique.

      Est-ce mieux détaillé ?

      ok, c’est clair mais je ne vois pas pourquoi tu utilises l’expression “refus du politique” pour parler de ça…

      Tu soulèves ici encore quelque chose de très juste : on ne peut faire table rase du passé (à la fois de l’histoire des idées et principes de relation à l’enfant, et à la fois du vécu propre de chaque animateur). Une année, à mes “presque” débuts en pdld, j’ai commis cette grosse erreur. J’ai volontairement choisi une nouvelle équipe (aucun ancien collègue ou ami) et j’ai donc souhaité “former” cette équipe entièrement sur ces nouvelles bases. Je pensais que ce serait plus simple. Quelle erreur !

      La disymétrie enfant/adulte existe et perdure encore sur mes centres. Cette disymétrie n’est aucunement gommée par le transfert du pouvoir de décision de l’adulte seul vers le collectif. L’adulte reste adulte, garant des règles construite par ce collectif, mais aussi des règles générales (loi française, réglement intérieur de l’organisme…) et surtout, surtout!, il veille sur l’enfant (sécurité et écoute). Certains y verront un paternalisme insupportable, mais je crois que ça n’a rien à voir. Je travaille plus sur le côté dynamique et non instantané du politique. Ce que je recherche, ce n’est pas d’avoir ponctuellement des conseils qui fonctionnent, ou d’avoir des enfants capables de décider. Ce que je recherche, c’est l’apprentissage, chacun pour soi et à sa manière, de ce que c’est que de décider, de s’interroger, de se confronter, de s’amuser, et pourquoi pas d’exercer son esprit critique.
      Evidemment ce n’est pas aussi rose que ce que je raconte puisque c’est justement un processus dynamique. C’est long, parfois ça ne marche pas, bref, c’est passionant.

      #40317
      Lapin
        @lapin-2

        Bonsoir,

        ludou posts #78 et #80 : merci pour tes éclaircissements.

        Au sujet du rôle de l’animateur : évidemment qu’il a un rôle à jouer dans les pdld, qu’il est présent, qu’il intervient. Ce que je dis c’est qu’il y a, dans la théorie d’Houssaye telle qu’elle est présentée au fil de ses ouvrages sur les colos, un refus de la place prévalente. Le conseil dans les écrits d’Houssaye ne relève pas tellement de l’autorité mais plus de la persuasion « qui présuppose l’égalité et opère par un processus d’argumentation » comme l’explique H. Arendt (La crise de la culture p. 123). Avec cette mutation, les adultes renvoient à la pratique, au réel (la décision), tandis que dans l’institution classique (scolaire ou coloniale dit parfois Houssaye), ils renvoient à une fiction, au symbolique (l’autorité). Glissement autorité –> décision.
        Loin de moi l’envie de faire l’apologie des institutions de contrôle, de coercition et de discipline des corps que sont trop souvent les ACM (je ne vais pas te plagier, ton dernier article est très juste).
        L’animateur est un médiateur vis à vis de l’autorité. Par ses initiatives, ses refus, son influence, il la donne à voir. Mais en faisant cela, il contribue à son acceptation, il la rend familière, accessible, discutable. L’animateur « fait référence » (comme on dit d’un ouvrage qu’il est une référence) : ce n’est pas la copie et l’imitation du modèle, c’est permettre à l’enfant de s’orienter, par un repère humain hors de soi, de faire un détour, pour se poser ensuite comme auteur.
        Je pense que gestion démocratique de l’éducation, dans les pdld d’Houssaye encore une fois – peut-être que tu fais différemment sur le terrain – via le conseil notamment, est une forme de négation de l’altérité adulte / enfant. Je pense également qu’en se détachant des règles, des valeurs et des usages passés, Houssaye a rétrécit ses colos à la dimension du présent. Certes, la position « tout le monde était satisfait » d’XXYYZZ dans ses vœux de bonne année n’est pas acceptable. Mais y a t’il une position tenable entre le « on a toujours fait comme ça » et le « on réinvente tout à partir de rien » ?
        C’est cette façon de nier la dysmétrie adulte / enfant et de consacrer le présent qui me fait parler de refus du politique.

        Est-ce mieux détaillé ?

        Solleana post #79

        Il est certain que la psychanalyse nous révèle quelques nœuds, par exemple :
        – sur les conséquences sur la parole de cet individualisme déconnecté du collectif, de la société, de cet « individualisme privatisé » qu’évoque Marcel Gauchet (conférence « l’amour » du 19 oct. 2012, notes perso). Pour les psychanalystes, la langue est toujours celle d’avant et celle d’un collectif, car elle est parlée par les autres et avant moi. Du coup, quelle parole peut-il y avoir dans des instances de décision (type conseil) aujourd’hui ?
        – Ensuite, elle peut mettre en garde contre l’illusion de la négation des pulsions enfantines et le sacre de la socialisation (l’adaptation sociale) façon coaching.

        Dans VEN 548 d’octobre 2012 il y’a un témoignage de la structure Pause Goûter à Montpellier qui accueille des 0 – 3 ans avec leurs parents et dans laquelle la psychanalise occupe visiblement une place importante, mais je n’ai pas tiré grand chose de la lecture… Peut-être dans le numéro de janvier avec le dossier consacré aux Jeunes Enfants ? Quelqu’un l’a-t-il lu ?

        Pour les rapprochements « entre psyché et le reste », tu évoques les freudo marxistes (post #69), mais je me demande s’il ne faudrait pas plutôt creuser l’imaginaire selon Castoriadis. Tu maîtrises bien mieux son œuvre que moi : Est-ce Castoriadis dit quelque chose sur l’intériorisation de cet « imaginaire » du pouvoir (gouvernance, coaching, normes, lois…) ? Dit-il quelque chose sur ses conséquences sur l’économie psychique, sur le langage ?

        Sur l’autorité, je vous accorde à vous deux que le rapprochement pdld – management est erroné. La « critique du Père, du maître comme détenteur de l’autorité et du pouvoir » n’est évidemment pas l’exclusivité des pdld, puisqu’on la retrouve, je crois, dans toutes les pédagogies non directives, de Korczak à Neil, non ? Mais je pense que l’autorité n’est pas abordée de la même façon chez Deligny par exemple. Si Deligny critique la volonté de toute puissance de l’éducateur, sa violence, et sa foi déraisonnée en son savoir, il ne liquide pas sa place, sa fonction, dernière la décision collégiale ou partagée comme le fait Houssaye, je trouve.
        Autre exemple, l’école de la Neuville qui fonctionne selon le modèle institutionnel (avec le conseil) mais qui introduit en même temps les ceintures façon Freinet qui viennent rappeler la hiérarchie des places.

        Au plaisir de vous lire, bonne nuit…

        #41357
        ludou
          @ludou

          solleana a écrit :

          La pédagogie de la décision a ici le mérite de renvoyer à des questions fondamentales très fortes. Là où je perçois le plus sa pertinence c’est dans sa critique de la pédagogie des besoins mais là ou j’aimerai plutôt l’articuler avec la question du désir (et donc de l’inconscient, du corps (en voilà aussi un bel absent), etc.) les pédagogies de la décision se centrent sur… “la décision”.

          pour le coup, ça me semble très juste. L’autre mérite, c’est de mettre en question un certain nombre de pratiques traditionnelles, donc non réfléchies. La décision est centrale, il faut renouveler le processus à chaque fois. De même, avec chaque équipe, chaque animateur, chaque enfant, les événements du quotidien sont remis en question : le genre, la mixité (où, comment, pourquoi), l’égalité vs la justesse, la place de l’adulte, le conflit…

          L’intérêt indéniable est bien celui qui fait qu’il n’existe pas une pédagogie de la décision : chaque séjour, chaque accueil va se construire, se vivre et se défaire de manière complètement différente. Tout simplement parce que les personnes qui forment ces rencontres ont (enfin) la possibilité d’agir, elles en ont même l’obligation puisque tout (ou presque) part de ces personnes (enfants et adultes). Le collectif, à travers la décision collective, va se rencontrer, construire, déconstruire, reconstruire, se tromper, être déçu, remotivé, etc… Bref, il n’y a pas, a priori, de dogme, pas de “c’est comme ça qu’il faut faire”. Mais peut-être que je parle plus là de ma propre pratique que des pdld dans leur ensemble, je ne sais pas.

          Concernant le politique, le problème n’est-il pas qu’il est impossible de qualifier ce politique (car situation-dépendant et personne-dépendant) plutôt que l’absence du politique ?

          Concernant l’inconscient, je pense également qu’il y a un manque grave de réflexion et d’intégration de cette question. Ne serait-ce pas parce que ce sujet reste très clivant ici et aujourd’hui..?

          #41359
          solleana
            @solleana

            Alors là Lapin, je crois que tu vises juste sur bien des aspects et je te rejoins… bien qu’on ne soit plus dans le sujet critique de la pédagogie active mais plutôt critique de la pédagogie de la décision.
            Les points que tu soulèves ont déjà fait l’objet de quelques échanges que j’ai eu avec les tenants des pédagogies de la décision… 🙂

            Sur le détachement au texte et l’auto-engendrement c’est particulièrement frappant dans les écrits d’Houssaye et autres. Ce qui est tout à fait étonnant c’est qu’Houssaye produit à côté de ses recherches sur les colos, des ouvrages centrés sur les pédagogues, leur pensée, leur histoire mais dans cela ne ré-intervient jamais dans ses ouvrages sur les colos, là on a l’impression qu’il s’agit d’une création ex-nihilo… Sur le rapport à la pédagogie institutionnelle ce que tu dis est tout à fait vrai, les pédagogies de la décision ne justifient que très rarement leur rapport à la pédagogie institutionnelle alors que bien des éléments en sont issus à la différence notable de deux aspects: le politique et la psychanalyse. Les pédagogies de la décisions sont ainsi amputées de ce qui, je trouve, fait la force de la pédagogie institutionnelle à savoir son ancrage politique et analytique…
            Quelle est ainsi la place de la psychanalyse dans les pédagogies de la décision, voici une question pour laquelle je ne trouve jamais de réponse… De même, quelle est la place de la totalité sociétale (capitaliste pour ne pas la nommer) dans les pédagogies de la décision, c’est absent… alors que chez des auteurs comme Ardoino, Lourau, cela est bien plus présent. En ce sens, la pédagogie de la décision flirt parfois dangereusement avec le postmodernisme… La référence à De Singly parfois convoqué pour causer de socialisation fait hérisser le poil sans compter l’imprécision de ce concept… L’individualisation préférée à l’individuation de Castoriadis me laisse là encore songeur…
            On pourrait causer aussi de la question au jeu libre chez Houssaye dont la référence à Winnicott est là encore quasiment absente…
            On pourrait aussi causer de Lourau, quasi absent des références de la pédagogie de la décisions lui qui dénonçait à juste titre l’illusion pédagogique dans laquelle berce parfois les pédagogies de la décision.
            La question centrale posée aux pédagogies de la décision c’est:
            – L’inconscient existe-t-il? Si oui comment est il pensé dans le cadre des pédagogies de la décision? Et si oui, n’est il pas une limite à la décision tout du moins à penser la décision comme parfois c’est le cas comme un ensemble de procédures basés sur l’individu acteur, l’acteur rationnel là encore pas très éloigné des théories fumeuses de Crozier et consorts…
            – La deuxième question c’est le politique existe-t-il? Autrement dit y a t il un universel de la domination capitaliste, technocratique? Si oui comment est il pris en compte dans les pédagogies de la décision?

            La pédagogie de la décision a ici le mérite de renvoyer à des questions fondamentales très fortes. Là où je perçois le plus sa pertinence c’est dans sa critique de la pédagogie des besoins mais là ou j’aimerai plutôt l’articuler avec la question du désir (et donc de l’inconscient, du corps (en voilà aussi un bel absent), etc.) les pédagogies de la décision se centrent sur… “la décision”.

            Pour ce qui est de la question de l’autorité, je te suivrai moins là dessus, dans la mesure où la pédagogie institutionnelle mais aussi l’école de Francfort s’est elle aussi attachée à une critique de l’autorité personnelle et notamment une critique du Père, du maître comme détenteur de l’autorité et du pouvoir. En ce sens les pédagogies institutionnelles ont tenté de faire apparaître une autorité collective et cela d’ailleurs contre l’antipédagogie des Celma, Laing et autres… Et dans le cadre des pédagogies institutionnelles comme dans la pédagogie de la décision, il y a dépersonnalisation de l’autorité qui est tout à fait autre que la dépersonnalisation managériale postmodernisme. L’autorité est dans le cadre de la PI et des PDLD négociée, discutée, etc. ce qui n’est évidemment jamais le cas dans le management et qui fait fi de la discussion, débat en la remplaçant par la domination technique des outils…

            A continuer effectivement…

            #41360
            ludou
              @ludou

              Salut Lapin,

              c’est marrant, c’est pas du tout dans cette direction là que j’aurais axé une critique du concept d’individualisation dans leS pédagogieS de la décision 🙂

              Lapin a écrit :
              Houssaye, l’individualisation postmoderne

              Le cœur de la pédagogie de la décision (ah nan m**de : des pédagogies de la décision ;-)) est libéral. La colo crée son propre gouvernement avec ses propres lois auxquelles elle se soumet. La règle est ainsi une règle de l’instant, provisoire et déconnecté symboliquement de la société. Dans une colo « classique », si un enfant en frappe un autre afin de récupérer son jouet, par exemple, je vais lui dire « Eh ! Ca suffit ! Si tu as un problème, tu viens voir les adultes, on ne frappe pas les autres » (rappel implicite que seuls les maîtres – les adultes – ont le monopole de la violence, interdiction de se faire justice soi-même, et renvoi aux règles de la société). Dans une colo « pdld », dans la même situation (un enfant en frappe un autre afin de récupérer son jouet), l’animateur va renvoyer vers le conseil, vers le collectif, vers les règles communes. D’un côté les normes sociales, de l’autre les normes temporaires et adaptables d’une colonie, d’un séjour.
              À contrario, dans la pédagogie institutionnelle, l’institution s’inscrit toujours dans une tradition, dans une histoire.

              je crois que tu fais ici un raccourci trompeur. La violence (question que tu soulèves) n’est pas uniquement renvoyée au conseil, elle est bien évidemment (à mon sens) traitée par l’adulte qui en est témoin. Ce sont uniquement le désaccord avec la règle (implicite ou explicite) et le conflit d’un groupe entier qui sont renvoyés au conseil. Si l’acte violent a pour cause une de ces deux raisons, alors l’adulte met fin à l’acte violent et, dans la discussion avec l’enfant, il le renvoie au Conseil si c’est pertinent. Le conseil n’est pas tout, loin de là, on s’en rend compte et c’est d’ailleurs une des questions soulevée cet été : l’entre-conseil, tout ce qui se passe autour.

              Autre point fondamental : la dépersonnalisation de l’autorité. Dans les pdld, l’autorité n’est plus incarnée en un homme ou une femme mais elle dissoute dans le collectif. Les pdld refusent la hiérarchie et la place d’exception : le directeur et les animateurs se retrouvent, au regard de la loi commune, à la même place que les enfants. Conséquences :
              – il n’y a plus de confrontation, mais de la gestion, du management ;
              – c’est le refus du politique comme le montre solleana au fil de ses messages de façon bien plus lisible et pertinente que moi. Sur ce point, tu dis l’essentiel, je t’écoute (ou plutôt je te lis).

              Je ne suis pas d’accord non plus avec les conséquences que tu soulèves. C’est tout le contraire du management, il y a de la confrontation ou plutôt du conflit. Il y a la rencontre, le désaccord, les pulsions violentes, entre tous (anims/enfants, enfants/enfants…). C’est bien le mode de la réponse qui est travaillé. Il n’y a pas non plus, d’après moi, absence d’autorité, mais un rééquilibre de l’autorité. L’autorité existe pour celui qui est juste, enfant ou adulte.

              Pourrais-tu détailler la question du refus du politique, car du coup je ne vois pas du tout 😕

              Concernant la création de Houssaye, je comprends déjà mieux.

              #41361
              Lapin
                @lapin-2

                Bonjour à toutes et à tous,

                comme vous le savez probablement, Jean Houssaye est le seul théoricien français contemporain à avoir pour objet d’étude les colonies de vacances. C’est sa spécialité, son crédo. De mon expérience, c’est généralement la seule référence mobilisée par les animateurs, les directeurs ou les formateurs bafa.
                Bref, Houssaye, c’est incontournable.

                Je tente de préciser aujourd’hui la critique que j’avais commencé sur ce sujet il y’a quelques temps.

                Houssaye, le détachement aux textes

                La première chose qui m’a frappé dans ses ouvrages sur les colos, c’est l’autonomie théorique d’Houssaye. À lire Houssaye, il n’y a pas de grand récit ni de théorie structurante qui détermine son regard. À tel point que Houssaye crée ex-nihilo une nouvelle dénomination, le « pouvoir de décision » (1977). Ainsi, si Houssaye se réfère à la pédagogie institutionnelle, il s’en libère par un vocabulaire propre. Pourquoi Houssaye a t’il écrit pendant trente ans « un centre de vacances organisé autour du pouvoir de décision » ou « une colonie centrée sur le pouvoir de décision » et non « un centre de vacances organisé par la pédagogie institutionnelle » ? Tout simplement parce qu’Houssaye ne pratique pas la pédagogie institutionnelle, il pratique la pédagogie de la décision ! C’est le mythe de l’auto-engendrement, le fantasme de la propre naissance. Car quoi de plus attachant que le nom, marque de la filiation ?

                Sa volonté de faire de la colonie de vacances un champ de recherche propre, légitime, s’inscrit tout à fait dans cette autonomie théorique.

                Mais son détachement aux textes est flagrant dans C’est beau comme une colo (2005), lorsque Houssaye explique que « le centre de vacances se justifie par la socialisation » (en introduction, page 18). Houssaye renvoie alors à Hwang dont il a dirigé la thèse. Toute la sociologie classique s’intéresse aux symboles qui légitiment l’autorité et à leurs rapports aux des mécanismes et personnes qui exercent le pouvoir, mais Houssaye en fait fi. Toute la sociologie montre le caractère « violent et total » de l’intégration, comme je le disais post #51. À ce sujet, les intellectuels français utilisent très peu le terme de “socialisation”, concept creux comme le dit solleana post #54.
                Bref, Houssaye invente de toutes pièces son triptyque acculturation / personnalisation / individualisation, complètement « artificiel » (shaaa post #61).

                Et la création continue : « Ce concept d’individualisation est en train de se construire » (michmuch post #62). Depuis les années 1970 des pans entiers de la philosophie, de l’histoire des idées, de la psychanalyse, du cinéma… mettent en lumière les mutations du lien social et déplient l’individualisation et en explorent les facettes et les problèmes, mais non, les élèves d’Houssaye sont en train de construire le concept ! 😛

                Houssaye, l’individualisation postmoderne

                Le cœur de la pédagogie de la décision (ah nan m**de : des pédagogies de la décision ;-)) est libéral. La colo crée son propre gouvernement avec ses propres lois auxquelles elle se soumet. La règle est ainsi une règle de l’instant, provisoire et déconnecté symboliquement de la société. Dans une colo « classique », si un enfant en frappe un autre afin de récupérer son jouet, par exemple, je vais lui dire « Eh ! Ca suffit ! Si tu as un problème, tu viens voir les adultes, on ne frappe pas les autres » (rappel implicite que seuls les maîtres – les adultes – ont le monopole de la violence, interdiction de se faire justice soi-même, et renvoi aux règles de la société). Dans une colo « pdld », dans la même situation (un enfant en frappe un autre afin de récupérer son jouet), l’animateur va renvoyer vers le conseil, vers le collectif, vers les règles communes. D’un côté les normes sociales, de l’autre les normes temporaires et adaptables d’une colonie, d’un séjour.
                À contrario, dans la pédagogie institutionnelle, l’institution s’inscrit toujours dans une tradition, dans une histoire.

                Autre point fondamental : la dépersonnalisation de l’autorité. Dans les pdld, l’autorité n’est plus incarnée en un homme ou une femme mais elle dissoute dans le collectif. Les pdld refusent la hiérarchie et la place d’exception : le directeur et les animateurs se retrouvent, au regard de la loi commune, à la même place que les enfants. Conséquences :
                – il n’y a plus de confrontation, mais de la gestion, du management ;
                – c’est le refus du politique comme le montre solleana au fil de ses messages de façon bien plus lisible et pertinente que moi. Sur ce point, tu dis l’essentiel, je t’écoute (ou plutôt je te lis).

                À continuer…

                #44984
                AnimateurBPJEPS
                  @animateurbpjeps

                  Lors de ma formation BPJEPS LTP avec les CEMEA nous avons vu les différents pédagogues et les méthodes dites activent de celle-ci sur plusieurs semaines.
                  Cela est très intéressant car si un directeur d’ACM s’inspire de ses méthodes, il peut parvenir à mettre un fonctionnement très enrichissant ou l’enfant peut être acteur et auteur.
                  Pour ma part dans mes directions, je demande à mon équipe de mettre en place 1 pôle : projet d’activité, diriger par l’animateur mais élaborer par les enfants.
                  Ensuite la mise en place du pôle 2 consiste à s’appuyais sur le système ESAR ou le jeu libre basé sur les espaces et aménagement.
                  Si les enfants le souhaitent ils peuvent rester la journée sur ce deuxième pôle.

                  Bref cela est juste un moyen parmi tant d’autres pour rentrer dans le champ de l’éducation populaire, mais il faut tester pour en être convaincu et voir les valeurs et les échanges qui se transmettent en appliquant ses méthodes.

                  Les métthodes actives :
                  L’éducation nouvelle s’appuie sur les principes de la pédagogie active — on parle aussi de méthodes pédagogiques actives — et sur la confiance dans les ressources propres à chacun. Elle prône un apprentissage à partir du choix réel et libre des
                  activités. Les différents pédagogues de ce mouvement expriment de diverses manières cette
                  nécessité de favoriser l’expérience personnelle : pour John Dewey, on apprend en faisant (« Learning by doing »), Freinet lui fait écho en parlant de tâtonnement
                  experimental, Decroly estime qu’il faut partir des centres d’intérêts, etc.
                  La pédagogie active a donc pour objectif de rendre l’apprenant acteur de ses apprentissages, afin qu’il construise ses savoirs à travers des situations de
                  recherche.
                  Freinet écrivait en 1964 dans ses invariants pédagogiques (cf.annexes):
                  « La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la
                  démonstration, processus essentiel de l’Ecole, mais le tâtonnement expérimental,
                  démarche naturelle et universelle ».
                  « Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Étudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en art,
                  en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les boeufs. »

                  Des pédagogues comme Freinet ont défendu une pédagogie autre que celle de la transmission.
                  Jules Ferry lui-même, dans un discours prononcé le 2 avril
                  1880 affirme :

                  « Les méthodes nouvelles qui ont pris tant de développement, tendent à se répandre et à triompher : ces méthodes consistent, non plus à dicter comme un
                  arrêt la règle à l’enfant, mais à la lui faire trouver. Elles se proposent avant tout d’exciter et d’éveiller la spontanéité de l’enfant, pour en surveiller et diriger le développement normal, au lieu de l’emprisonner dans des règles toutes faites auxquelles il ne comprend rien. »

                  #59694
                  Lapin
                    @lapin-2

                    Bonjour à tous et à toutes,

                    à Michmuch post #62,

                    Ok avec tes clarifications sur les pdld. 😉 Tu en es bien plus spécialiste que moi, aucun doute.

                    La définition de Marpeau, à savoir la socialisation comme “Intériorisation des normes et des valeurs, afin de rendre possible une vie en société. Apparaît soit comme un processus à sens unique où l’individu intègre les normes et les modèles culturels d’une société ; soit comme un processus interactif, où le « socialisé » dispose d’une marge de manœuvre par rapport à l’intégration et à l’application des valeurs et des normes” me semble particulièrement adroite. Toute la subtilité est dans le terme “apparaît.”
                    Pour moi, dans cette définition, “apparaît” désigne ce qui se fait jour, se qui se dévoile aux yeux du chercheur, de l’observateur. Marpeau nous dit que la socialisation se présente à l’esprit sous tel ou tel aspect. Il s’agît donc selon moi d’un cadrage théorique, comme le fait JM Bataille dans sa thèse, par exemple (Durkheim n’est pas Bourdieu, Honneth ou Lukacs).

                    Selon moi, Houssaye a détourné (consciemment ?) cette définition assez fine pour créer des modes, des méthodes de socialisation, dans le but (conscient ?) de “retomber sur ses pieds” comme j’ai voulu le montrer (Lapin post #51).

                    Tout à fait ok avec les enchaînements qui suivent, du principe d’émancipation à la parole, très bien dit.

                    J’espère que Marx et Freud ne t’auront pas fait fuir… 🙂

                    à Solleana post #74

                    Du coup, j’ai relu plusieurs fois le passage de ton post #65 que j’ai cité : pourquoi opposes-tu les allers-retours dialectiques entre l’apparence et l’essence au structuralisme, “histoire sans sujets” ? N’est-ce pas cette relation particulière au réel justement, le propre des structuralistes ?
                    Ok pour la dialectique.
                    Pour l’anarchie, c’était une boutade, ce n’est pas grave.

                    #59819
                    solleana
                      @solleana

                      Pour moi, la conception de l’individualisation par de Singly, sous l’angle de l’autonomie, de l’indépendance de l’individu a l’égard de ses statuts est évidemment problématique. En refusant la réduction identitaire, de Singly ouvre la voie à l’asservissement. Si l’on écoute les penseurs postmodernes, désormais, l’homme doit être un sujet flexible, sans abri (la réalité insatisfaisante) et qui peut habiter différentes positions, différents statuts. Ce sujet “apatride”, isolé de sa classe et des textes, est évidemment plus facilement manipulable.

                      je partage évidemment cette critique de De Singly qui est l’idiot utile de l’individualisation. Ce dont il parle c’est finalement de processus de conformisation aux différents modèles portés par le capitalisme dominant.
                      D’ailleurs et plus profondément, il s’agirait aussi de porter une véritable critique de l’identité telle que l’a fait l’école de Francfort. Car l’identité est un concept anti-dialectique au possible sauf si elle est entendue comme étant l’identité de l’identité et de la non-identité mais je ne suis pas sûr que ce soit la perspective choisie par de Singly.

                      La connaissance vise à séparer ces deux parties, à obtenir l’essence de l’objet réel. Ainsi, l’objet de la connaissance diffère de l’objet réel puisqu’il est déclaré seulement partie de l’objet réel

                      Séparer radicalement ces deux parties, je ne crois pas non. Tout l’intérêt de la pensée dialectique c’est bien de les relier, de les faire travailler ensemble et non de les séparer…

                      Ne serait-ce pas un trait des pédagogies non-directives et anti autoritaires en général ? Qui me répondait en mars 2011 que non ce n’était pas un fonctionnement anar sur L’enfant acteur, consommateur ou travailleur : j’ai quelques questions… ?

                      Là j’ai pas compris…

                      #59862
                      Lapin
                        @lapin-2

                        Ah oui,

                        2 petites piques pour solleana pour voir (oulala un peu fou fou le Lapin ce soir…) :

                        solleana a écrit post #65 :
                        La totalité concrète se comprend de manière dialectique, elle vise à ne pas prendre l’apparence des phénomènes pour la réalité. Elle vise à saisir les logiques internes propre à la société en dépit de leur apparence phénoménale. De fait, cela vise à faire des allers-retours dialectiques entre l’apparence et l’essence d’un phénomène et cela vise dans le même temps à ne pas tomber non plus dans une forme de structuralisme qui vise à construire une histoire sans sujets. Comme toujours, il s’agit d’interactions dialectiques entre les sujets et les structures sociales, politiques…

                        Ne confondrais-tu pas le réel et l’essence ?

                        D’un point de vue empiriste, la connaissance est l’abstraction d’un objet, l’extraction de son essence. Les objets contiennent donc deux parties : l’essentiel et l’inessentiel. La connaissance vise à séparer ces deux parties, à obtenir l’essence de l’objet réel. Ainsi, l’objet de la connaissance diffère de l’objet réel puisqu’il est déclaré seulement partie de l’objet réel (cf. Spinoza et l’idée du cercle).
                        Comment la pensée pourrait-elle jamais produire l’appropriation cognitive de l’objet réel ?

                        solleana a écrit post #63 :
                        (…)
                        Les PDLS s’inscrivent effectivement là dedans [Lapin : la tradition philosophique anarchiste et communiste] mais en vidant le contenu politique, en évacuant la critique sociale et notamment la critique fondamentale du capitalisme telle qu’elle peut être faite par Guattari, les anars, la PI, etc. et c’est en cela que les pédagogies de la décision frôlent par endroit le postmodernisme.

                        Ne serait-ce pas un trait des pédagogies non-directives et anti autoritaires en général ? Qui me répondait en mars 2011 que non ce n’était pas un fonctionnement anar sur L’enfant acteur, consommateur ou travailleur : j’ai quelques questions… ? 🙂

                        #59863
                        Lapin
                          @lapin-2

                          Bonsoir à tous et à toutes,

                          100% ok avec moilapa post #66 : très juste.

                          Le concept de socialisation pourrait être critiqué (solleana post #54), mais à mon sens, également en dehors de ta critique de la pensée scientifique et technologique rationnelle qui empêche les oppositions. En effet, sous quelque angle qu’on l’aborde, la socialisation est toujours un processus, une progression. Elle suppose donc un avant et un après, un “moins” et un “plus” de société, de relations sociales. La socialisation est donc coincée entre à la fois la préexistence de la société et la génération de la société…. il y’a dans l’essence de l’idée une ambivalence.

                          Dissocier la transmission d’un capital symbolique et culturel de la reproduction de la structure sociale et de ses rapports de force (cf. Bourdieu et Passeron) est évidemment une simplification. Nier l’intime et la psychologie du sujet en est une autre. Entre ces deux pôles, déterminisme social et subjectivation, il est forcément ardu d’appréhender les phénomènes sociaux sans tomber dans un relativisme “plein de vide.”
                          Pour cela, les travaux de Shaaa – en mobilisant les enseignements de la psychologie du travail – apportent plusieurs clés comme j’ai déjà pu le dire (Lapin post #53).

                          Pour moi, la conception de l’individualisation par de Singly, sous l’angle de l’autonomie, de l’indépendance de l’individu a l’égard de ses statuts est évidemment problématique. En refusant la réduction identitaire, de Singly ouvre la voie à l’asservissement. Si l’on écoute les penseurs postmodernes, désormais, l’homme doit être un sujet flexible, sans abri (la réalité insatisfaisante) et qui peut habiter différentes positions, différents statuts. Ce sujet “apatride”, isolé de sa classe et des textes, est évidemment plus facilement manipulable.
                          Cette atomisation est l’une des deux faces de l’individualisation (l’autre étant l’ouverture par la liquidation des stéréotypes).

                          #60009
                          solleana
                            @solleana

                            Il reste à composer une belle brochette pour observer et décortiquer sous différents angles ce qu’il se passe dans une colo.

                            Justement pas nécessairement même si cela peut évidemment être intéressant.
                            Le but du jeu c’est bien de sortir de la logique disciplinaire, cloisonnée qui laisse à penser et à dire que l’on est spécialiste d’un domaine. Qui de la sociologie, qui de la psychologie, qui de la pédagogie, etc. or le défi en sciences humaines me semble plutôt à travailler à une éspistémologie complémentariste, transversale, voire sauvage…

                            Un petit passage savoureux de Tobie Nathan:

                            “Pour en terminer avec ces notions transversales, avec cette épistémologie de “bricoleur” un peu sommaire, que pourrais-je dire? Cette épistémologie se résume à la chose suivante : comment faire pour que quelqu’un qui s’occupe d’un objet accepte de se faire “casser la tête” en présence de cet objet? Pour cela il faut mettre des dispositifs techniques en place. D’abord, il faut se faire casser la tête une première fois. Sinon c’est fichu définitivement et cela donne des gens qui répètent la même chose de la maîtrise à leur retraite de fonctionnaire ! C’est terrifiant ! Non pas qu’ils soient méchants ou que cela soit catastrophique, mais on “s’ennuie”.
                            Devant un objet — un objet de pensée — il y a deux attitudes. Il y a d’abord les gens qui vont se faire avoir par ceux qui leur diront que les objets existent, que l’on peut les voir, les mesurer, les photographier. Et il y a ceux qui vont inventer les objets pour avoir la tête cassée par ces objets et ils auront un “maître” qui les fera changer de l’intérieur.”

                            #60011
                            Shaaa
                              @shaaa

                              Je me doutais un peu de la réponse (:-D) mais c’est bien aussi de le voir écrit ! Je viens de trouver quelques article de M. Uhl, je lirai ça tranquillement.

                              Il reste à composer une belle brochette pour observer et décortiquer sous différents angles ce qu’il se passe dans une colo. 😀

                              #60140
                              solleana
                                @solleana

                                est-ce que ça signifie que le sociologue se détache de l’idée absurde que la science doit analyser froidement avec recul (et bien sûr, sans implication) ? Alors ça commence à m’intéresser.
                                Finalement, c’est ça que je ne supporte pas dans la sociologie (celle que je connais), c’est cette sacro-sainte règle de décrire les phénomènes et puis… rien.

                                Evidemment que le sociologue est impliqué, non neutre, etc. Pour ça il y a notamment les travaux essentiels de Magali Uhl… et d’autres évidemment…
                                Ceux qui croient encore à la neutralité de la sociologie sont proches de la désoxygénation du bulbe.

                                le manque chez Houssaye (entre autres), serait l’absence de réflexion sur la totalité concrète, et que des allers-retours dialectiques devraient combler ce manque.

                                Bien sûr!

                                Mais je n’ai encore jamais rencontré d’auteur qui fasse le lien entre psyché et le reste (en même temps, l’objet d’étude n’est ni stable ni vraiment limité… d’où l’importance de commencer par soi-même, et donc de prendre conscience de toutes ces influences à partir de son propre fonctionnement psychique).

                                Le freudo-marxisme a tenté cette aventure, reste à la poursuivre…

                                À l’intérieur de quel discipline peut-on développer une approche ‘pleine’ d’un phénomène dans toute sa complexité et ses dimensions ? Comment prendre en compte la part idéologique et partisane de toute théorie ? Comment se décoller d’une conception ‘objectiviste’ de la science ?

                                A l’intérieur d’aucune discipline on ne peut développer cela puisque la discipline et le cloisonnement disciplinaire sont les obstacles fondamentaux à l’exploration des phénomènes dans leur complexité et leur totalité. Cela revient donc à accepter que sa discipline puisse mourir, être inutile fondamentalement. En attendant, ce qu’il est possible de faire c’est mettre en place une épistémologie complémentariste qui accepte différent schèmes d’analyse, qui utilise une approche pour analyser un phénomène puis avoir étudié l’objet sous cette approche, après avoir fait “mourir” l’objet sous cette approche il s’agira de l’appréhender sous une autre approche… Evidemment cela ne signifie pas que toutes les approches soient valables, compatibles, etc.
                                Pour se décoller d’une conception objectiviste de la science, il est nécessaire de prendre en compte ses implications et surtout de comprendre que c’est la subjectivité qui est la voie vers l’objectivité, la prise en compte de ses implications comme mode d’appréhension du réel… Ensuite, on peut noter que le monde ne se présente à nous, à personne sous une forme pure et objective, le monde n’est jamais posé devant nous, il est en nous et nous sommes le monde… Pour comprendre cela, reste à accepter cette subjectivité, ne pas la fuir mais la travailler… Reste aussi à lire l’ouvrage magistral de Michel Henry, La Barbarie…

                                Dans son essai sur La barbarie, Michel Henry s’interroge sur la science, qui se fonde sur l’idée d’une vérité universelle et comme telle objective et qui conduit donc à l’élimination des qualités sensibles du monde, à l’élimination de la sensibilité et de la vie50. La science n’est pas mauvaise en soi aussi longtemps qu’elle se borne à étudier la nature, mais elle tend à exclure toutes les formes traditionnelles de culture, à savoir l’art, l’éthique et la religion51. La science livrée à elle-même conduit à la technique dont les processus aveugles se développent d’eux-mêmes de façon monstrueuse sans référence à la vie52.
                                La science est une forme de culture dans laquelle la vie se nie elle-même et se refuse toute valeur, elle est une négation pratique de la vie53, qui se prolonge dans une négation théorique sous la forme de toutes les idéologies qui ramènent tout savoir possible à celui de la science, à savoir les sciences humaines dont l’objectivité même les prive de leur objet : que valent des statistiques face au suicide, que disent-elles du désespoir dont il procède54 ? Ces idéologies ont envahi l’université et la précipitent vers sa destruction par l’élimination de la vie de ses recherches et de son enseignement55. La télévision est la vérité de la technique, elle est la pratique par excellence de la barbarie, elle réduit tout événement à l’actualité, à des faits incohérents et insignifiants56.
                                Cette négation de la vie résulte selon Michel Henry de la « maladie de la vie », de son secret mécontentement de soi qui la conduit à se nier elle-même, à se fuir elle-même pour fuir son angoisse et sa propre souffrance51. Dans le monde moderne, nous sommes presque tous condamnés dès notre enfance à fuir notre angoisse et notre propre vie dans la médiocrité de l’univers médiatique, une fuite de soi et un mécontentement qui conduisent à la violence, au lieu de recourir aux formes traditionnelles les plus élaborées de la culture qui permettaient le dépassement de cette souffrance et sa transformation en joie57. La culture subsiste malgré tout, mais dans une sorte d’incognito, elle est vouée à la clandestinité dans notre société matérialiste qui est en train de sombrer dans la barbarie58.

                                Suis désolé c’est du wikipédia mais pas trop mal fait et trop crevé pour résumer…

                                #60143
                                Shaaa
                                  @shaaa

                                  Dans le même sens de cette critique, on peut aussi considérer la “totalité” de la recherche scientifique qui est ‘disciplinarisée’. À l’intérieur de quel discipline peut-on développer une approche ‘pleine’ d’un phénomène dans toute sa complexité et ses dimensions ? Comment prendre en compte la part idéologique et partisane de toute théorie ? Comment se décoller d’une conception ‘objectiviste’ de la science ? Finalement, les écrits de Houssaye serait soumis à la rigueur scientifique qui réduirait un objet à une discipline et à une ‘focale’ (macro, mezzo, micro…) ?

                                  Il conviendrait alors de les compléter et de les inclure dans des travaux de plus grandes envergures ? En rajoutant et étayant les dimensions historiques, politiques, économiques, ou psychiques, etc. ?

                                  Allez, pagayons ! 😀

                                  (cela dit, la réponse de michmuch me rassure 🙂 )
                                  (avec le jeu, on peut pas trop difficilement du côté psychique avec Vygotski)

                                  #60144
                                  ludou
                                    @ludou

                                    Merci de prendre le temps d’expliquer (je ne le redirai pas à chaque message, mais c’est dit).

                                    solleana a écrit :

                                    Pour la critique de De Singly, il s’arrête de fait à l’apparence des phénomènes. De Singly voit un apéro facebook où les gens rigolent, il se dit wahooo c’est une nouvelle forme de convivialité dégagée des structures traditionnelles et qui rassemble les gens et ça forme une nouvelle tribu…
                                    Il s’arrête ainsi à la forme phénoménale des phénomènes…

                                    Le sociologue critique voit un apéro facebook où les gens rigolent, il se dit oh merde quelle débilité, cela signifie la volonté pour les individus d’acquérir des pseudo identités où prédomine le narcissisme, cela vise à former des pseudo-groupes sans liens réels mais avec des identités vides qui favorisent le développement de l’adaptabilité des individus et in fine leur intégration complète dans le capitalisme.

                                    est-ce que ça signifie que le sociologue se détache de l’idée absurde que la science doit analyser froidement avec recul (et bien sûr, sans implication) ? Alors ça commence à m’intéresser.
                                    Finalement, c’est ça que je ne supporte pas dans la sociologie (celle que je connais), c’est cette sacro-sainte règle de décrire les phénomènes et puis… rien.

                                    Sur la démarche :

                                    Autrement dit, l’analyse de la socialisation en colo (qui est une partie de la réalité) doit être replacée dans le tout social auquel il appartient, le capitalisme mondialisé, ce que cela implique, comment cela influe… Il s’agit d’articuler l’histoire particulière d’un phénomène avec le tout, l’histoire des colos avec l’histoire globale, etc.

                                    si j’essaye de résumer en image :

                                    [la totalité concrète] [phénomènes sociaux visibles]
                                    [essence] [apparence]

                                    le manque chez Houssaye (entre autres), serait l’absence de réflexion sur la totalité concrète, et que des allers-retours dialectiques devraient combler ce manque.

                                    Là-dessus, je ne puis que te suivre. Cependant, ce que j’essayais d’exprimer (si mal, probablement), c’est que pour moi il y a encore un autre manque, un vide, qui se trouve de l’autre côté, à l’échelle de la personne. Pour reprendre le schéma (toujours très réducteur) :

                                    [la totalité concrète] [phénomènes sociaux visibles] [fonctionnement psychique personnel]

                                    et finalement, il faudrait en faire une boucle puisque la totalité concrète “influence” directement le fonctionnement psychique. Sans pour autant être le seul facteur de la construction psychique, évidemment.

                                    Le lien (dialectique) entre essence (sociale) et apparence est rarement fait, sans doute. Mais je n’ai encore jamais rencontré d’auteur qui fasse le lien entre psyché et le reste (en même temps, l’objet d’étude n’est ni stable ni vraiment limité… d’où l’importance de commencer par soi-même, et donc de prendre conscience de toutes ces influences à partir de son propre fonctionnement psychique).

                                    Mais peut-être qu’il existe des pensées qui font aussi ce lien (le droit de rêver, le devoir de penser)…

                                    Moilapa, la seule différence, c’est que toi tu as plus l’occasion de pagayer que moi… (au sens propre et figuré)

                                    #60157
                                    moilapa
                                      @moilapa

                                      J’essaye de comprendre à mon niveau,
                                      si ça peut te rassurer, t’es pas le seul à ramer !

                                      #60159
                                      solleana
                                        @solleana

                                        D’abord j’aimerais savoir si derrière le terme “totalité sociale” il y a un concept particulier à comprendre ou bien est-ce que ces mots “parlent d’eux-même” ? (je ne voudrais pas faire de contresens par la suite…)

                                        Oui, la totalité est un concept en soi et pour être plus juste il faudrait parler de totalité concrète à la manière de Kosik. La totalité concrète se comprend de manière dialectique, elle vise à ne pas prendre l’apparence des phénomènes pour la réalité. Elle vise à saisir les logiques internes propre à la société en dépit de leur apparence phénoménale. De fait, cela vise à faire des allers-retours dialectiques entre l’apparence et l’essence d’un phénomène et cela vise dans le même temps à ne pas tomber non plus dans une forme de structuralisme qui vise à construire une histoire sans sujets. Comme toujours, il s’agit d’interactions dialectiques entre les sujets et les structures sociales, politiques…
                                        Dans le même sens, il s’agit d’articuler le tout et la partie, l’analyse d’un phénomène (qui est une partie) pour avoir un sens doit viser à être replacé au sein d’une totalité sociale.
                                        Autrement dit, l’analyse de la socialisation en colo (qui est une partie de la réalité) doit être replacée dans le tout social auquel il appartient, le capitalisme mondialisé, ce que cela implique, comment cela influe… Il s’agit d’articuler l’histoire particulière d’un phénomène avec le tout, l’histoire des colos avec l’histoire globale, etc.
                                        Pour la critique de De Singly, il s’arrête de fait à l’apparence des phénomènes. De Singly voit un apéro facebook où les gens rigolent, il se dit wahooo c’est une nouvelle forme de convivialité dégagée des structures traditionnelles et qui rassemble les gens et ça forme une nouvelle tribu…
                                        Il s’arrête ainsi à la forme phénoménale des phénomènes…

                                        Le sociologue critique voit un apéro facebook où les gens rigolent, il se dit oh merde quelle débilité, cela signifie la volonté pour les individus d’acquérir des pseudo identités où prédomine le narcissisme, cela vise à former des pseudo-groupes sans liens réels mais avec des identités vides qui favorisent le développement de l’adaptabilité des individus et in fine leur intégration complète dans le capitalisme.

                                        La société capitaliste marchande conditionne (notamment par la socialisation) chaque être humain dès sa naissance et jusqu’à sa mort, c’est un peu ça que tu dis et que tu reproches à Houssaye de ne pas prendre en compte ?

                                        Bien sûr c’est cela en tout cas cela signifie surtout que la socialisation qui a cours prend nécessairement place dans une société qui a effectivement une “forme”, la forme marchande capitaliste.

                                        #60185
                                        ludou
                                          @ludou

                                          J’essaye de comprendre à mon niveau, j’espère que Solleana tu sauras me pardonner mes errements et manques (car je n’ai clairement pas les mêmes fondements théoriques et philosophiques que toi).

                                          D’abord j’aimerais savoir si derrière le terme “totalité sociale” il y a un concept particulier à comprendre ou bien est-ce que ces mots “parlent d’eux-même” ? (je ne voudrais pas faire de contresens par la suite…)

                                          solleana a écrit :
                                          La grosse erreur d’Houssaye c’est de parler de socialisation comme un “en-soi” indépendamment de l’Universel que représente la société capitaliste marchande… De fait est-ce que l’on peut dire qu’il y a socialisation, démocratie, individualisation dans cette société précise.

                                          La société capitaliste marchande conditionne (notamment par la socialisation) chaque être humain dès sa naissance et jusqu’à sa mort, c’est un peu ça que tu dis et que tu reproches à Houssaye de ne pas prendre en compte ?

                                          #60200
                                          solleana
                                            @solleana

                                            Ce concept d’individualisation est en train de se construire. J. Houssaye a une intuition et il s’arrête là dans la conceptualisation. Les sociologues (notamment de singly) travaillent sur cette question, des psychologues, etc… le concept est récent et en plein travail…

                                            Le problème de De Singly (outre le fait que sa sociologie soit aussi critique qu’une enquête de Marie-Claire) c’est qu’il est totalement hors-sol et quasiment postmoderne. De Singly fait comme si, encore une fois, la totalité sociale n’existait pas, ce qui, pour un sociologue est dérangeant. Alors, il décrit l’enfant et l’individu moderne comme allant picorer à droite à gauche pour construire sa sacro-sainte identité. L’enfant serait donc sorti du principe d’obéissance et de la normalisation des sociétés modernes pour devenir ce petit être qui peut tisser des liens à droite, à gauche, liens évidemment moins forts que ceux de la société “traditionnelle” mais qui de par leur nombre vont permettre lé création d’identité originales, nouvelles…
                                            On est un peu habitué avec de Singly, il avait déjà fait le coup sur la famille ou la famille serait moins autoritaire, plus démocratique d’où son modèle de la famille relationnelle vertement critiqué par les féminismes et évidemment par une critique reichienne de la famille qui est à réactualiser.
                                            Ce discours de de Singly renvoie évidemment au postmodernisme de Maffesoli et de ces tribus qui auraient remplacé le fonctionnement holiste du lien basé sur des statuts fixes, une autorité fixe, et blablablabla…
                                            Outre que ce discours puisse apparaître comme séduisant et rassurant pour éviter de devoir aller dans un pessimisme critique ce qui échappent à tous ces auteurs c’est la transformation des rapports à l’autorité, la transformation du rapport aux modèles, aux normes et là dessus Castoriadis est bien plus fin et plus percutant notamment avec son concept de montée de l’insignifiance… Car tout ce que décrit de Singly comme liens, comme individualisation c’est justement l’insignifiance, le vide, ce sont des identités fétiches et absolument pas singularisées mais bien plutôt conformes sous l’apparât de la pseudo-différenciation dont parle si bien Baudrillard.

                                            Les pdld ne sont pas nés de la simple tête de J. Houssaye, elle s’inscrivent dans une histoire qui datent de bien plus loin que les années 70/80, les questions de relation individu/groupe ont été traitées par de nombreux pédagogues Korczak est sans doute le plus connu, mais Robin ou Makarenko l’on fait aussi. Les anarchistes soulèvent la question depuis le XIXe siècle, les républiques d’enfants ont développé une forme, la question de l’institution est aussi présente dans les travaux du CERFI et de La borde sur les sujets de la ville et de la psychiatrie, les communards ont aussi développé une pensée, les socialiste utopiques aussi… Bref, les pdld sont inscrites dans un mouvement ancien et aux multiples origines.

                                            Les PDLS s’inscrivent effectivement là dedans mais en vidant le contenu politique, en évacuant la critique sociale et notamment la critique fondamentale du capitalisme telle qu’elle peut être faite par Guattari, les anars, la PI, etc. et c’est en cela que les pédagogies de la décision frôlent par endroit le postmodernisme.

                                            je ne sais pas si Houssaye abandonne, mais il n’en parle pas, c’est un fait.

                                            Ne pas en parler c’est déjà abandonner non? Disons que cela ne lui semble pas utile à la démonstration ou encore que cela risque de porter un discrédit à l’universitarisation des pdld.

                                            Et pour moi chacun à droit à la parole, rendre la parole à quelqu’un dans une micro-institution (une colo), c’est lui permettre de le faire ailleurs, donc d’agir sur la société… Certains diront que c’est petit, utopiste, etc..

                                            Ce n’est pas petit du tout, c’est déjà énorme… et il faut bien commencer en un lieu…

                                            mon point de vue n’est ni celui du philosophe, ni celui du sociologue, ni celui du psychologue mais celui du pédagogue, celui d’une dialectique théorie/pratique incarnée.

                                            Mais les pédagogues n’ont pas le monopole de la dialectique théorie/pratique…

                                          20 sujets de 1 à 20 (sur un total de 83)
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