[ludou]

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“Dis merci” ou lorsque l’art participe de la culpabilisation collective

Ne surtout pas aller trop loin dans la réflexion… Ce pourrait être le nouveau leitmotiv de cette génération d’artistes contemporains dénonciateurs. De l’installation d’emballages plastiques plâtrés au distributeur automatique d’ oeufs frais, la culture sans consistance est partout. L’idée courte est la règle. C’est le règne de l’art-publicité.

Le découpage aussi. Comme si le fait de prendre de petits bouts de culture, les rassembler sous des morceaux de mousse plastazote peintes en vert était de la culture. Une page de Rimbaud, une autre de Hugo… déconnectée de tout. C’est le vide, l’immense vide sur lequel se fonde aujourd’hui l’art. Cet art peut-il être émotion ? Peut-il faire sens autrement que par ces idées courtes issues de la com’ ?

L’animation socio-culturelle vit aussi de ça. Je ne jugerai pas du “socio”, mais le “culturel” me fait mal. Ces pauvres animateurs qui accompagnent tous ces petits enfants pour les instruire de culture, les gaver de vide… nous nous étonnerons bientôt de l’indigestion. Il nous faudra alors une ou deux générations pour comprendre, comprendre toute l’idiotie de cet art qui, faute de profondeur, se concentre sur l’utile, ou du moins ce que la société considère comme utile : les remèdes aux crises (économique, écologique, climatique, politique…hic hic !).
En attendant, nous continuerons à chercher la faute chez les parents, chez les profs (peut-être ont-ils eux aussi leur responsabilité), chez les enfants eux-mêmes.

Devant ce distributeur d’oeufs frais, l’artiste explique à un couple et leur petite fille le pourquoi de son oeuvre. Celle-ci n’a qu’un but, culpabiliser. Nous devons reconnaître notre absurde consommation, nos réflexes aussi. Notre réflexe d’entrer un code dans le distributeur et insérer une pièce. Et quoi ?

Nous nous devons alors, si nous sommes des gens biens, de reconnaître notre faute, notre péché impardonnable. Mais nous ne serons absouts que si nous culpabilisons et que nous culpabilisons les autres, à commencer par nos enfants. D’où ce couple, après avoir bu les paroles de l’artiste qui n’hésite pas à interpeller leur petite fille : “Dis merci !”

Dis merci, oui, merci pour cette coulpe artificielle, que tu ne pourras pas comprendre avant longtemps. Merci pour cette “ouverture d’esprit” à l’art. Tu feras partie de l’élite ma fille, toi tu auras compris. Tu auras suffisamment culpabilisé pour nos limites humaines, pour notre péché véniel de consommation. Alors tu pourras être libre, peut-être, plus tard. Pour l’instant, aies conscience de ta culpabilité.

Quel paradoxe ! Cette scène ne se passe pas dans un musée moderne, aseptisé. Non, il se déroule dans l’un des plus grands parcs publics du sud de l’Île de France, à moins d’une heure de Paris. Un château vieux de plusieurs siècles, des intervenants incapables d’en dire un mot. Non, l’important, c’est ce par-terre blanc de détritus de plâtre.

Mais ne soyons pas pessimistes. La pertinence peut apparaître sans crier gard ! Tel cette jeune femme, stagiaire BAFA qui demande innocemment à la guide si elle peut nous parler de la bibliothèque dans laquelle nous admirons actuellement un aquarium au sein duquel une réplique de centrale nucléaire crache toutes les X minutes un petit nuage “toxique”… Mais non, elle ne sait rien. Impossible de savoir où sont passés les livres. L’important est évidemment cet aquarium vert fluo et ces éclairs traumatisants.

Dis merci, oui. Dis merci et va-t’en.

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