Une autre question pourrait être : comment tirer profit des éléments positifs de cette expérience pour réformer le système éducatif français (qui en a bien besoin) ? :ins:
D’autres expériences de ce type ont eu lieu en France et à l’étranger mais … on attend toujours la réforme ! :tresfache:
la question pourrait être : comment retranscrire un fonctionnement comme celui-ci sur nos CVL ?
Le Lycée Autogéré de Paris, a ouvert ses portes à la rentrée 1982 dans les sous-sols du lycée François-Villon à Paris (14e).
C’est l’un des quatre établissements expérimentaux ouverts par le ministère Alain Savary, les autres étant : le lycée maritime d’Oléron, le collège-lycée d’Hérouville-Saint-Clair, le Centre expérimental de Saint-Nazaire. Ce dernier a bénéficié d’une ouverture anticipée, à la suite de la lettre au camarade Savary rédigée et expédiée par Gabriel Cohn-Bendit, et bien reçue par le principal destinataire.
À l’origine, les quatre établissements sont ouverts pour une période probatoire de trois ans, dans des conditions tellement particulières qu’ils n’ont pas de statut.
Le L.A.P. est un établissement de l’éducation nationale, c’est un établissement public. Il dépend d’un lycée d’appui, le lycée Paul Valéry, et va dépendre du lycée Fresnel à la rentrée 1995. Jusqu’à ce jour, comme on vient de le voir, il n’a pas de statut, mais il est en passe d’en obtenir un, pour sa 13e année d’existence.
L’équipe recrute ses membres par cooptation, parmi des enseignants ayant les diplômes requis partout ailleurs. Elle dispose de 24 postes pour scolariser 200 élèves environ. Certains postes peuvent être partagés en demi-postes, ce qui accroît la taille de l’équipe. Les membres de l’équipe sont donc des fonctionnaires, salariés de l’Éducation nationale.
Le budget de fonctionnement – la subvention – transite par le lycée d’appui, où se trouvent l’ordonnateur des dépenses et l’intendant(e).
Les comptes sont vérifiables, les livres de comptes sont tenus, mais la politique budgétaire est soumise à l’entière responsabilité de l’équipe.
L’institution en tant que telle a un droit de regard incontestable mais, pendant les trois premières années, c’est un dispositif d’évaluation “ad hoc” qui est chargé du pilotage et du suivi des expériences jusqu’à l’évaluation sommative finale à l’échéance des trois ans.
Les inspecteurs par matière viennent exceptionnellement, pour procurer un statut aux maîtres auxiliaires, mais, dans l’ensemble, les membres de l’équipe ne demandent pas à être inspectés : on peut signaler deux cas en onze ans !
Les conditions d’avancement étant les mêmes qu’ailleurs, cela fait qu’on avance… peu.
Après l’échéance des trois ans, c’est l’Inspection générale qui a pris la relève du dispositif d’évaluation :
• inspection au cours de l’année scolaire 1988-1989, assez défavorable ;
• inspection au cours de l’année scolaire 1992-1993, très favorable, avec des critiques constructives.
Par ailleurs, l’équipe est amenée périodiquement à s’auto-évaluer, c’est-à-dire à rédiger des rapports d’activité qu’elle envoie au ministère.
Le contexte de la fondation peut être évoqué en quelques lignes :
• François Mitterrand est élu président de la république ;
• des problèmes surgissent dans certaines banlieues (les Minguettes…) ;
• Bertrand Schwartz publie un rapport sur l’insertion des jeunes ;
• l’organisation du travail semble remise en cause dans les médias, on parle de “cercles de qualité”;
• l’inquiétude grandit face à la montée du chômage et à la “naissance” d’une société duale ;
• les collèges voient leur fonctionnement remis en cause à travers la réforme initiée par Louis Legrand.
La commande officielle, précisée au fil des toutes premières années, peut se résumer ainsi :
• réinsérer des adolescents en difficulté dans le système “traditionnel”, en leur proposant une préparation à divers baccalauréats, à des examens d’entrée à l’université et, si possible, d’autres voies pour se trouver une place dans la société ;
• examiner ce qu’il advient lorsque des enseignants disposent d’autonomie, étudier ce qu’il en est du travail en équipe ;
• disposer d’un “regard”, permettant d’étudier sur quelles tensions fonctionne le système éducatif, le L.A.P. étant en quelque sorte un analyseur construit, interrogeant le reste du système éducatif.
La fondation du L.A.P. a été l’œuvre d’enseignants et de jeunes en rupture avec le système éducatif. L’initiateur, Jean Lévi, avait animé une école parallèle d’une vingtaine d’élèves, dans les locaux d’une M.J.C., dès 1977, et rêvait d’une école sans élèves ni professeurs, mais avec des intervenants et des usagers. C’est lui semble-t-il qui a eu l’audace d’appeler cet établissement “lycée autogéré”, comme c’est lui qui a trouvé le nom de baptême d’un autre projet, le “collège autogéré”.
L’ensemble des enseignants faisait partie de la mouvance autogestionnaire, même si certains étaient des “convertis” de fraîche date ! Remarquons que la référence à l’autogestion était beaucoup plus politique que strictement pédagogique.
La référence pédagogique était en partie importée du Danemark et de la Norvège : c’était la branche Scandinave ! Et c’est sur des bases “scandinaves” que nous avons commencé à fonctionner, et que nous continuons sans doute à le faire.
Pour le reste, il était question du mouvement Freinet et de son dépassement éventuel, ce qui peut expliquer une rencontre avec le courant d’Analyse institutionnelle : une reprise de l’autogestion pédagogique… au niveau de l’établissement.
Le projet du L.A.P. n’est pas tout entier dans les propositions remises sous ce nom au ministère avant son ouverture et son devenir ne peut être prédit à partir de l’énoncé de déterminations qui peuvent influer sur le cours de son histoire. Toutefois, il est difficile d’ignorer les unes et les autres.
Pour être bref, soulignons les points suivants :
• Le L.A.P. prépare au bac, mais ne prépare pas qu’au bac.
• Il n’est pas sectorisé.
• Il s’adresse si possible à des élèves volontaires.
• Les éléments infantilisants et arbitraires sont supprimés : notation, travaux imposés, conseils de classe, bulletins trimestriels, décisions d’orientation et de redoublement.
• Les élèves ne sont pas soumis à l’obligation de présence.
• Le L.A.P. est géré par les enseignants et les élèves.
• Les décisions sont prises collectivement par vote, en respectant l’équation :
un professeur = un élève = une voix, à l’image de la vie publique.
• En particulier, les dépenses sont votées par l’ensemble de la collectivité.
• Le versement des salaires des enseignants est hors du contrôle de la collectivité.
L’organisation du L.A.P. est en quelque sorte scindée en deux parties.
L’une d’elle correspond à la transmission classique des savoirs, on l’appelle structure pédagogique. Elle a connu et connaît encore des variantes, elle correspond aux modules, ateliers, projets, U.V. et autres cours.
L’autre partie correspond à l’organisation politique – au sens large –, on l’appelle structure de gestion, et on l’espère tout aussi pédagogique que la première. Formée de commissions et d’instances diverses, cette structure, qui manifeste l’originalité du L.A.P., s’est stabilisée à partir de janvier 1985, lorsqu’est apparue la commission de liaison, rebaptisée et/ou transformée en 1987-1988 : depuis, c’est une R.G.G., réunion générale de gestion.
• L’équipe enseignante se réunit une fois par semaine.
• Le collectif se réunit soit en assemblée générale (A.G.), soit en groupes de base (G.B.). Les G.B. forment une partition de l’ensemble en une dizaine de groupes qui se réunissent une fois par semaine 1 h 30 environ.
• Les commissions sont au nombre de huit, leurs attributions ayant pu changer au fil du temps :
• Administration
• Budget
• Évaluation
• Entretien
• Accueil et relations internationales
• Bibliothèque
• Planning
• Coordination pédagogique
Les commissions sont mixtes, composées de professeurs et d’élèves.
Actuellement, la commission “culture” a disparu. Il a existé une commission “informatique”.
La réunion générale de gestion est constituée de deux délégués de l’équipe enseignante et de deux délégués élèves issus de chaque groupe de base. Ce n’est pas un gouvernement, mais elle est chargée de centraliser les informations et de les redistribuer dans les diverses instances, d’organiser les votes et de convoquer l’assemblée générale.
Quant aux relations avec les autorités de tutelle, elles sont dès l’année 1994-1995 assurée par un coordonnateur élu pour un an, comme l’exigent les statuts qui se mettent en place.
Avant d’arrêter cette présentation du lycée autogéré, faisons quelques remarques. Cette présentation, nécessaire à la bonne compréhension de son fonctionnement, est certainement insuffisante pour imaginer ce qui peut s’y passer au jour le jour ; elle a toutefois le mérite de permettre de pointer ce qui d’emblée était contradictoire et qui pouvait devenir source de conflits. Par exemple, les notes ont été classées parmi les “éléments infantilisants et arbitraires” et supprimées dans le projet de départ remis au ministère. Or, en éducation physique et sportive, les enseignants du L.A.P. décernent une note de contrôle continu, comptant pour les épreuves du baccalauréat, ce qui suscite toujours des débats passionnés. Avec la notation, nous sommes en présence d’un cas de figure simple : une règle et son exception, dictée par l’intérêt des élèves. Avec le principe de “libre fréquentation”, nous nous trouvons face à des problèmes autrement difficiles à résoudre.