Le mot d’auto-organisation ne me semble pas appropriĂ© pour parler de la variĂ©tĂ© des fonctionnements en ACM. D’une part parce qu’elle fait rĂ©fĂ©rence Ă l’organisation de qui et de quoi et d’autre part, il y a toujours un cadre fixĂ© par une Ă©quipe d’animation. Certes il est plus ou moins large et souple mais il est toujours prĂ©sent.
Et dans ce que j’ai compris des quatres approches que tu exposes, des Ă©lĂ©ments se recoupent entre eux. Donc, il semblerait que la diffĂ©renciation se situe ailleurs ; du moins je la vois ailleurs.
Sinon, tu as d’autres textes de J. Houssaye intĂ©ressants : ici
Un peu plus haut dans le fil, on cause du modĂšle colonial qui est un fonctionnement typique.
Pour les problĂšmes “oubliĂ©s”, ça attendra un peu. đ
Bonjour Ă toutes et Ă tous,
suite Ă deux posts rĂ©cents(1) qui prĂ©sentent les ACM comme derniers espaces permettant un pouvoir de dĂ©cision des enfants, une forme dâautogestion, jâai eu envie de me replonger dans les dĂ©bats qui traitent prĂ©cisĂ©ment de toutes les questions qui y sont liĂ©es(2) : responsabilisation, jeux libres, conseils dâenfants, etc.
A. Les postulats : la socialisation par les loisirs et lâopposition Ă lâĂ©ducation classique
En relisant les différents sujets, il me semble identifier deux postulats :
A1. LâACM est un lieu de socialisation systĂ©matique qui, comme lâEcole â pour extrapoler les travaux de Durkheim et Cousinet -, est intĂ©grĂ© Ă un environnement et produit ses propres rĂšgles de fonctionnement, sa propre organisation sociale.
A2. Lâauto organisation(3) des enfants sâoppose au modĂšle classique “vertical”, dans lequel lâACM est un espace de formation morale, de prĂ©paration Ă la vie adulte. Ces formes dâauto organisation sâappuient â souvent indirectement – sur les thĂ©ories et expĂ©riences de lâĂ©ducation nouvelle, pour proposer un ACM respectueux de lâautoritĂ© des enfants et qui favorise lâexpĂ©rience.
Ce qui me marque particuliĂšrement dans ses deux prĂ©supposĂ©s, câest que lâACM est gĂ©nĂ©ralement pensĂ© avec les outils intellectuels dĂ©veloppĂ©s pour lâEcole(4), alors quâil sâen diffĂ©rencie fondamentalement, notamment par le plaisir Ă vivre ensemble, la richesse du collectif, le potentiel de lâexpression de chacun, et dâautres formes de rapports entre adultes et enfants, basĂ©s sur le respect et la reconnaissance mutuels.
B. Quatre approches de lâauto organisation
Jâai lâimpression de distinguer quatre grandes approches, vous me direz si je rĂ©sume mal vos idĂ©es, oĂč si jâai carrĂ©ment ignorĂ© celles-ci :
B1. Lâautonomie comme moyen de responsabilisation
Pour fg63, Al-Batros… lâautonomie câest la capacitĂ© Ă dĂ©cider par soi-mĂȘme et Ă assumer ses responsabilitĂ©s. Cela implique de sâengager, parfois dans la durĂ©e, sur un projet. Par cette double dĂ©finition responsabilitĂ© â engagement, lâautonomie apparaĂźt en rĂ©alitĂ© comme un autocontrĂŽle (Herman 2007), que lâon retrouve par exemple dans le nouveau management(5).
B2. La liberté par défaut, garantie et régulée par les anims
Pour vassrohm, moilapa, Libertaire, michmuch, Shaaa, solleanaâŠ, le rĂŽle de lâanim est de capter des demandes, de leur donner vie, et Ă©galement de susciter des activitĂ©s originales. Cependant, la majoritĂ© des anims en Ă©tant incapables, la meilleure attitude consiste donc Ă “travailler Ă sa propre disparition” (Brizais 2009)(6), afin de dĂ©gager la plus grande liberté (ex : cour de rĂ©crĂ©). A partir de la vision anti-autoritaire, popularisĂ©e par Neill, cette approche fait de lâanim le partenaire des enfants, leur accompagnateur et lâauto organisation est presque spontanĂ©e. Une position fondamentalement anarchiste.
B3. Le pouvoir de décision dans un cadre global, celui du projet
Pour crevette76, maitreYoda, MatMat, Bamcar, Coraline⊠lâappropriation du temps de loisirs par les enfants, ne peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e que dans un ACM qui tend entiĂšrement vers ce but. Lâauto organisation est institutionnalisĂ©e : conseils dâenfants, groupes de responsabilitĂ©, technique dâĂ©laboration collective du programme dâactivité⊠Câest la pĂ©dagogie institutionelle.
B4. L’enfant est acteur de fait, sa participation ne nĂ©cessite pas de formalisme
A lâinverse, pour frytjip-Bourricot, la participation de lâindividu a la dĂ©finition des rĂšgles de fonctionnement dâun groupe est naturelle. Les formes dâauto organisation ne font que formaliser, institutionnaliser, une dynamique contradiction â intĂ©gration qui prĂ©existe dans chaque collectif. Pas besoin dâinstaurer un fonctionnement spĂ©cifique, les groupes dâenfants instaurent de toutes façons leur fonctionnement. Câest en quelque sortes une extraplation au groupe de lâautonomie de lâenfant selon Freinet.
Evidement, ces approches se conbinent.
XXYYZZ et Ludou, vous avez beaucoup postĂ© sur ces sujets, mais je n’ai pas rĂ©ussit Ă reformuler vos opinions. DĂ©solĂ© si vous vouliez aussi votre petite Ă©tiquette…
C. Les problÚmes oubliés
Selon moi, la plus part des échanges sur planetanim sur toutes ces recherches et expériences dans les ACM depuis Montessori et Freinet, ne formulent pas tous les problÚmes, et en particulier :
C1. Quelle est la cohérence entre :
– dâune part la forte revendication des enfants, surtout aprĂšs 11 ans, dâavoir du temps Ă eux et de ne rien faire ;
– dâautre part la volontĂ© de lâĂ©quipe pĂ©da de leur donner les moyens dâorganiser eux-mĂȘmes le centre et leurs activitĂ©s ;
– et enfin lâenvie consumĂ©riste des enfants et de leurs parents, dâactivitĂ©s de dĂ©couverte et dâamusement faciles ? (cette derniĂšre contradiction ayant Ă©tĂ© pointĂ©e par Bourricot post #43 sur L’autonomie Ă tout prix)
Ou en dâautres termes, lâenfant est-il consommateur, travailleur, les deux ou ni lâun ni lâautre ?
Jâavais tentĂ© de formuler une parte cette interrogation autrement sur L’autonomie Ă tout prix, posts #90 et #160, sans succĂšs.
C2. Comment faire de lâauto organisation un levier dâĂ©panouissement personnel des animateurs par leur travail ? Câest-Ă -dire, comment Ă©viter quâun fonctionnement, dont le but est de favoriser lâĂ©panouissement de lâenfant en conciliant richesse collective et respect de lâindividu(7), produise les effets inverses sur ceux qui en sont les moteurs et les garants, les anims ? âEt l’autonomie des adultes dans l’Ă©quipe ?â (crevette76 post 75 sur L’autonomie Ă tout prix)
Moilapa, tu intĂšgres les compĂ©tences, les envies et les potentiels des anims, pour montrer quâils sont le problĂšme (Houssaye 1997)(8), et tu poses la trĂšs bonne question de leur formation (notamment par le dirlo). Il faut aller plus loin selon moi : lâorganisation de lâACM ne doit-elle pas ĂȘtre pensĂ©e pour permettre lâĂ©panouissement des enfants ET des adultes ? En effet, les anims peuvent-ils ĂȘtre les moteurs et les garants dâun systĂšme sans en expĂ©rimenter les bĂ©nĂ©fices ?
C3. Internet a permis une autonomie, une sociabilitĂ© enfantine ou adolescente, dâabord avec MSN puis avec Facebook. Les enfants ont rĂ©ellement construit leur espace social, en ont dĂ©fini les codes, hors intervention des adultes.
– Que dire de cette expĂ©rience ?
– Quelles conditions de reproductibilitĂ© dans les ACM ?
Solleana, tu as dit que facebook Ă©tait une forme d’autoritĂ© contemporaine (je reformule), sur le sujet L’Ăąge rose de l’animation ou c’Ă©tait mieux avant (post #68) : tu peux en dire plus ?
Qu’en pensez-vous ?
——
(1) Shaaa post #14 de sur le sujet MĂ©moire M2 Education populaire et sĂ©jours de vacances, en fĂ©vier 2011, solleana post #73 en janvier 2011 sur le sujet les conseils d’enfants
(2) Jâai retenu 6 sujets pour leur problĂ©matisation et leur dĂ©termination, par ordre chronologique : L’autonomie Ă tout prix (FĂ©v. 2004 â mars 2007) ; Les CVL des espaces de projets, ou des lieux de consommations? (mai 2005 â janv. 2006) ; C’est quoi un sĂ©jour qui rend l’enfant auteur et acteur! (sept 2006 â fĂ©v. 2011) ; LibertĂ© et autonomie des jeunes (fĂ©v. 2006 â mai 2006) ; A-t-on le droit de ne rien faire en centre de vacances? (juin 2008 â fĂ©v. 2011) ; une journĂ©e comme une autre en claĂ© (avril 2010 â mars. 2011). 591 posts avalĂ©s, le surnom de rongeur de post semble bien trouvĂ© Matim.
(3) Câest le terme le moins maladroit que jâai trouvĂ© pour exprimer tout la complexitĂ© de lâautonomie des enfants, de leur participation Ă la vie du centre, de lâenfant â acteur, de lâenfant â auteur, de “lâentre-enfants” (moilapa), du jeu libre, voire de lâautogestion.
(4) Exception faite de la pĂ©dagogie institutionnelle, qui est loin dâĂȘtre nĂ©gligeable.
(5) Ălisa Herman La notion d’autonomie et ses impensĂ©s dans la socialisation enfantine, Mouvements 1/2007 (no 49), p. 46-52. Mersi Shaaa.
(6) Reynald Brizais, entretien, Le journal de lâanimation n°100 juin 2009, citĂ© par moilapa post #43 sur le sujet Interdictions en claĂ©
(7) Idem, formulation sûrement imparfaite que nous pouvons améliorer.
(8) Jean Houssaye cité par vassrohm post #40 sur A-t-on le droit de ne rien faire en centre de vacances?