Je n’ai pas très bien compris les revendications des collégiens à la base de cette action (ni ce qu’est l’espaceCo : dans ou hors du collège ?).
J’aimerai bien des précisions sur ces 2 points du coup.
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Par contre, je comprend bien ce qu’a été la réaction de l’administration du collège : une infantilisation des jeunes, une pression unilatérale et un refus du dialogue… Mais cela est-il vraiment surprenant ?
Au fait, sommes-nous dans un établissement public, géré par des fonctionnaires froids et évitant toute prise d’initiative, ou alors dans un établissement privé, rigide et campé sur des valeurs conservatrices (comme le laisse supposé l’expression “supérieure du collège”) ?
Bonne question…
Soit les auteurs ont ignorer les actions des profs, soit il n’y a eu en effet aucune réaction de ceux-ci…
Il manque une chose ici. On parle d’un côté des élèves et des parents, de l’autre de l’administration gérant le collège.
Et les profs ?
Liberté d’expression !
Aux alentours du 20 novembre, deux élèves du collège de Lauzerte dans le
Tarn-et-Garonne, franchissent la porte de l’espaceCo (local autogéré
ouvert à tous). Ils souhaitent pouvoir imprimer un tract. Après quelques
explications, ils nous montrent le texte qu’ils ont rédigé. Il y est dit
que l’école est une prison, les droits des personnes/élèves y sont niés.
Ils ne supportent plus cet état de fait et ils revendiquent plus
d’autonomie, de liberté.
Et pour commencer, ils souhaitent pouvoir gérer eux-mêmes leurs temps
libres (espaces entre deux cours). Le tract se termine en proposant une
réunion générale de tous les collégiens pour discuter de cette
proposition. Autant dire que le tract plut. Très vite il fut imprimé. Les
collégiens le distribuèrent. A la réunion qui suivit, nombre de collégiens
décidèrent une grève pour le lendemain. Le mardi 25 novembre, une bonne
quarantaine de collégiens refusèrent d’entrer en cours et se massèrent,
pacifiquement, devant l’entrée de l’établissement. La réaction de la
direction fut immédiate et très vive. Aucune tentative de dialogue, mais
menaces, injonctions voire hurlements divers. Au bout de 10 minutes,
cédant aux pressions, les collégiens mirent fin à leur mouvement et
reprirent les cours sauf deux qui avant de rentrer en classe voulurent
passer à l’EspaceCo pour raconter les évènements. Cela leur prit très peu
de temps. Une heure après, ils étaient de nouveau à l’EspaceCo.
Dés leur arrivée au collège, l’administration les convoque, leur remet une
lettre leur signifiant leur expulsion pour 15 jours du collège et les
convoquant à un conseil de discipline. Il leur est par ailleurs interdit
de s’approcher des abords du collège (et donc des arrêts de bus :
n’habitant pas dans le village, ils sont donc dans l’impossibilité de
rentrer chez eux !!). Dans la même matinée, un responsable du collège,
sans se préoccuper du sort des deux expulsés, se rend chez le père de l’un
d’entre eux (souffrant d’un handicap mental majeur) pour lui faire signer
la lettre d’expulsion de son fils. Devant le refus de l’administration
d’entamer un dialogue, les collégiens organisèrent un sit-in pendant la
récréation du matin. Plus d’une centaine de jeunes y participèrent. Malgré
ce beau mouvement de détermination et de solidarité, l’administration
campe sur ces positions. La défense des deux expulsés s’organise. Des
parents d’élèves sont contactés, le règlement intérieur est épluché, des
vices de procédure sont mis en évidence. Un nouveau tract, rédigé par des
collégiens et cosigné par des parents d’élèves appelle à la solidarité la
plus large. De son côté, l’administration ne reste pas inactive : tous les
moyens sont utilisés, même les plus scabreux. Par exemple, les élèves
convoqués devant un conseil de discipline ont en théorie le droit
d’accéder à leur dossier pour organiser leur défense, mais en fait, ils ne
pourront les consulter sur place qu’après plusieurs heures d’attente et en
présence de la supérieure du collège, seule autorisée à en tourner les
pages, très rapidement qui plus est et en leur posant des questions
stupides dans le même temps afin de perturber les collégiens !
À l’inverse, les deux expulsés firent preuve d’un remarquable sens de la
solidarité. Ayant droit chacun à un défenseur, ils choisirent de
s’autodéfendre l’un l’autre. C’est donc ensemble qu’ils passèrent devant
leur tribunal. Le jour J, des affiches appelant à la solidarité sont
collées autour du collège, des fax et des appels téléphoniques venus de la
France entière saturent le secrétariat de l’administration. La direction
de l’établissement essaye de répliquer en faisant placarder dans les
couloirs le tract d’appel à la solidarité annoté par elle. Elle se
déconsidère encore un peu plus aux yeux des collégiens. Enfin les
sanctions tombent : les deux expulsions sont commuées en blâme alors que
pourtant ils sont déjà exclus depuis quinze jours. Pour l’un des deux
collégiens, s’agissant de son deuxième blâme, cette sanction se traduit
par… une expulsion. Ce genre d’évènement n’est pas anecdotique ; au
contraire, il nous semble très représentatif de l’état du système éducatif
; malgré la mise en place de systèmes de concertation, d’élection de
délégués de classe, etc.
Quarante ans après mai 68, l’école est toujours aussi peu démocratique.
Pour l’élève, le collégien ou le lycéen, la seule règle qui vaille est
“étudie et tais-toi !”. C’est que la fonction essentielle de l’école est
toujours de former les travailleurs -consommateurs dont la France
(c’est-à-dire l’état et le patronat) à besoin. L’élève y apprend le
respect de l’autorité, de la hiérarchie et les valeurs d’un système
fondamentalement inégalitaire et injuste. L’école est un rouage du système
capitaliste et pour assurer sa fonction, peu lui importe de broyer des
êtres humains. Il est donc normal que des élèves revendiquent et
s’opposent et il est remarquable que, à l’opposé des valeurs enseignées,
les élèves de Lauzerte aient redécouvert et mis en oeuvre les valeurs de
solidarité et de liberté.
Des militants de la CNT-AIT de Montauban et sa région