Avé fleurlapage.
Tu dis que tu n’a plus peur d’en parler. Ceci montre que tu commence à évacuer le traumatisme que cet événement exceptionnel t’a causé. C’est la première fois que j’entends cela et pourtant, crois moi, j’en ai vu et entendu en plus de 40 directions d’ACM et une centaine de stage BAFA et BAFD.
tu écris :Que pensez-vous de cette histoire ? Devrais-je en faire quelque chose, ou juste la laisser là comme un élément du passé?
J’ai envie de te dire les deux.
D’un coté, il est important d’avoir le plus d’informations possibles auprès de l’organisateur du séjour, y compris sur l’identité des enfants.
Mais là c’est vraiment gros! Même si tu ne seras probablement pas d’accord avec moi, je dirais qu’avec le recul cela serait presque comique. De plus le fait d’avoir révélé ton histoire va servir à d’autres directeurs qui te lisent.
D’un autre coté, comme le dit jcterjan, il est regrêtable que tu ne veuilles plus diriger, à cause de cela.
j’ai connu des directeurs qui ont eu des cas plus graves et qui continuent à diriger.
N’hésite pas à tenter d’autres expériences de direction. Dans ton message tu dis que ” chaque été c’est une parenthèse extraordinaire”; donc tu as du diriger des accueils réussis. Alors pourquoi arrêter ?
Allez bye
Bonjour,
Sans te répondre sur le fond de ton récit, je m’arrêterais sur un point important que tu abordes : l’importance du lien de confiance mutuelle et réciproque entre les directeurs/trices vacataires et les organisateurs de séjours vacances pour mineurs. Il est important de prendre conscience dans la réflexion que le séjour ne s’arrête pas au dernier jour du séjour. En effet, tu as une date de fin sur ton contrat, mais tu peux être amené(e) après le séjour à rendre des comptes, témoigner, être convoqué(e) à la gendarmerie ou même au tribunal pour tel ou tel fait raconté par les enfants, par leur famille, ou par l’équipe.
Je pense que cette dimension n’est pas toujours explicitement annoncée ou explicitée lors des formations et recrutements.
Au final, il est dommage que tu sois traumatisée par cette mauvaise expérience, car d’autres organisateurs (heureusement), assurent un bon suivi de ce type d’incident en lien avec les vacataires après les séjours lorsque cela est nécessaire.
Bon courage, et n’hésites pas – si tu le souhaites – à retenter l’expérience avec d’autres organisateurs, dont tu auras vérifié au préalable l’accompagnement qu’ils proposent aux directeurs et directrices en cas d’incident.
Bonjour,
J’ai longtemps hésité avant de raconter cette histoire. Même si c’est une histoire qui est passée en jugement depuis, donc je peux effectivement en parler, j’ai toujours ce goût amer et la peur au ventre.
Il y a quelques années, je travaille en tant que directrice BAFD occasionnelle, surtout pendant les grandes vacances. Je suis alors étudiante, j’adore l’animation, c’est chaque été une parenthèse extraordinaire. Je pars toujours avec le même organisme, plus par habitude et simplicité que par conviction (première erreur).
Cet été là, tout se passe plutôt bien. Je dis “plutôt” car je dois faire intervenir la police et les gendarmes car mon cuisinier est îvre, dépressif, et se jette dans une rivière… Je ne m’attarde pas sur cette histoire par respect pour la personne et parce que cela a été extrêmement émotionnel, éprouvant et traumatique (sans jamais être arrivé aux yeux ou aux oreilles des jeunes, bien heureusement). Et ce n’est pas le sujet de mon histoire.
Mon histoire commence un matin normal, joyeux, où l’on fête les 14ans du petit Pierre (je change les noms, vous comprendrez pourquoi). Le petit Pierre est un ado comme les autres, il aime le hip hop et est toujours prêt à rendre service. Parfois il a des coups de blues étranges et inexpliqués, un peu comme tous les ados, me dis-je. Je me faufile dans les couloirs avant le réveil pour mettre une bannière “joyeux anniversaire”, on a préparé un gateau, un petit cadeau. C’est une belle journée pour Pierre, il a l’air heureux.
Là où tout se gate, c’est quelques jours avant le départ. Je contacte les parents pour leur confirmer l’heure d’arrivée en gare. Je ne parviens pas à joindre les parents de Pierre. Il me dit que de toutes façons, pour le départ, il est arrivé seul, donc il repartira seul. Je lui explique qu’il en va de ma responsabilité de ne pas laisser un mineur partir seul à la fin de mon séjour. Je lui demande s’il a d’autres personnes à contacter, je n’y parviendrai jamais. Je préviens le siège de mon organisme, qui me rappelle la consigne : si personne ne vient le chercher malgré toutes mes démarches, alors il faudra le remettre à la Gendarmerie, malheureusement, car on ne peut pas le laisser seul dans la nature. Je lui explique, il ne dit rien.
Le jour du retour, tout le monde part en bus, sauf une de mes animatrices, Emilie, et moi-même. Après un séjour très éprouvant (mon cuisinier que nous avons du licencier avec la plus grande des émotions, puis remplacer nous-mêmes en cuisine en attendant le remplaçant… un jour avant la fin), je rentre de la gare où j’ai effectué moi même un dépôt. Je sais également que personne n’est venu chercher Pierre et que mes animateurs ont du le conduite à la gendarmerie. En arrivant sur le centre, Emilie court vers ma voiture. C’est une bonne copine et je vois dans son regard que quelque chose ne va pas. Elle me tend le téléphone, et j’entends : “Bonjour, brigade des mineurs (ou quelque chose comme ça), est-ce que vous êtes la responsable du séjour de Pierre?” suite à quoi, grosso modo, les phrases suivantes seront “Vous le connaissez bien, Pierre ? Par ce qu’après vérification d’identité, blablabla, il se trouve qu’il n’a pas 14ans mais 27”
…
J’avais 23ans à cette époque, je crois. Tout s’enchaine très vite dans ma tête : comment a-t-il pu s’inscrire ? Falsification d’identité ? Et surtout… POURQUOI ? Quel est son but ? S’est-il passé quelque chose d’horrible sous nos yeux sans qu’on le voit ?
Je dois faire 8 heures de voiture avec Emilie et on flotte dans cette espèce de réalité virtuelle.
Oui je suis jeune à cette époque mais je sais que je suis responsable, je ne doute pas de mon système de surveillance… Mais ET SI JAMAIS ?
Je suis au téléphone avec le directeur de mon organisme. Ses premiers mots seront “Parles-en au moins de monde possible. N’en parle surtout pas à la presse.” M’a-t-il demandé comment j’allais ? Jamais.
Pierre ressemble à un ado de 14ans, je n’ai jamais eu aucun doute dessus, ni moi ni aucun animateur ni aucun jeune. Il était très petit et avait quelques poils au menton, ça vous choque à 14ans ? Il était un peu bizarre, oui. Cela aurait-il du éveiller de tels soupçons ? Non, je ne vois pas comment qui que ce soit puisse imaginer cela.
L’organisme prend les inscriptions. Tout ce que je reçois, ce sont les feuilles de renseignements généraux et sanitaires. C’est une colo en France, peu d’activités extérieures, à aucun moment nous avons eu besoin de papiers d’identité pour quoi que ce soit, je n’ai jamais éprouvé le besoin de vérifier les cartes d’identité des jeunes que j’ai en colo pour être certaine que ce sont bien eux ?!
Quoi qu’il en soit, après des mois d’enquête, il s’est avéré que rien ne s’était passé entre Pierre et un autre jeune sur la colo. Tous mes scenarios catastrophe qui m’ont rongée pendant des mois se sont avérés fantaisie. Je n’ai JAMAIS eu un seul mot de la part du siège, si ce n’est la semaine d’après, avec l’une des responsables des directeurs. Jamais un seul mot ou soutient de la part du siège, alors que c’est une affaire hors du commun qui m’a laissé d’horribles cicatrices. La sensation d’avoir un loup dans la bergerie en étant responsable, me dire que peut-être un drame s’était passé, une vie avait été brisée sous ma responsabilité.
J’ai arrêté l’animation l’année suivante, avec grand regret. Je n’avais pas l’impression d’être bien informée, protégée, soutenue, pour de telles responsabilités.
Que pensez-vous de cette histoire ? Devrais-je en faire quelque chose, ou juste la laisser là comme un élément du passé? Je suis révoltée et traumatisée, mais contente de ne plus avoir peur d’en parler. J’ai fait court donc il y a sûrement plein de détails qui manquent.