merci du partage (non j’suis pas un robot spammeur :-D)
Et ça ramÚne évidemment à -entre autre- ce fil : A-t-on le droit de ne rien faire en centre de vacances ?
Et effectivement la possibilitĂ© de ne rien faire peut ĂȘtre vĂ©cue par l’adulte encadrant et/ou observant (bienveillant mĂȘme) comme un non sens, une perte de temps…
Je suis dans un cadre un peu particulier, mais proposer un crĂ©neau “farniente” ou “vide” aux enfants comme aux familles au vv serait perçu par la plupart des gens comme un souci et non pas une possibilitĂ©… et la plupart des familles suivent quasi Ă la virgule prĂšs les propositions qui leur sont faites, tant pour les enfants que pour les adultes, mĂȘme si une bonne partie d’entre elles pourraient ne pas ĂȘtre faites et/ou ĂȘtre faites Ă un autre moment que celui que je propose.
http://www.scienceshumaines.com/une-enfance-sans-temps-mort_fr_21209.html
Article par Dominique Glasman de la rubrique « L’enfant du 21Ăšme siĂšcle » des Grands Dossiers N° 8 – Septembre – octobre – novembre 2007 : L’enfant du 21Ăšme siĂšcle
Une enfance sans temps mort
Travail scolaire, cours particuliers, musique, sport, anglais, arts plastiques⊠à lâimage de celle des adultes, la semaine des enfants est bien souvent surchargĂ©e. Que se cache-t-il derriĂšre ces emplois du temps plĂ©thoriques ? Des modes de vie certes, mais aussi des craintes face aux exigences des sociĂ©tĂ©s contemporainesâŠ
1 338 heures annuelles de classe pour un Ă©colier en 1894, contre 888 heures aujourdâhui : ce constat, tirĂ© dâune analyse de Roger Sue et Yves Rondel (1), met Ă mal « le discours ordinaire qui prĂ©tend que les enfants sont de plus en plus pris par lâĂ©cole, nâont plus de temps pour eux ». Sur un an en effet, le temps libre recouvre environ 80 % du temps de veille dâun Ă©colier et 70 % de celui dâun collĂ©gien.
Il convient cependant de nuancer ces affirmations. Ă la journĂ©e dâĂ©cole par exemple, il faut ajouter les temps consacrĂ©s aux transports, aux devoirs et aux leçons, sans compter parfois les cours particuliers qui sâajoutent Ă ceux de lâĂ©cole, les sĂ©ances dâorthophonie, etc. Lâombre portĂ©e de lâĂ©cole sâĂ©tend aussi parfois sur des activitĂ©s culturelles ou de loisir censĂ©es avoir des retombĂ©es favorables sur les performances scolaires ou sur le « sens » quâelles sont en mesure de donner aux apprentissages accomplis Ă lâĂ©cole ; ce qui nâest dâailleurs pas faux.
Enfin, les enjeux scolaires sâĂ©tant considĂ©rablement alourdis, lâenfant ou lâadolescent Ă©tant trĂšs tĂŽt confrontĂ© Ă des verdicts scolaires qui engagent son avenir, la densitĂ© du travail scolaire et la tension quâil suscite sont plus fortes aujourdâhui quâhier. Bref, mĂȘme si le temps des enfants et des adolescents est loin dâĂȘtre dĂ©vorĂ© par lâĂ©cole, celle-ci reste trĂšs prĂ©sente et pesante dans leur vie quotidienne mĂȘme quand ils en sont sortis et Ă distance. MĂȘme sâils ne lâaiment pas, elle est de fait au cĆur de leur existence quotidienne. « Le temps scolaire dĂ©borde largement sur le temps non scolaire », pour reprendre le propos de Gilles Pronovost (2).Des mercredis surchargĂ©s !
En fait, les enfants sont soumis Ă une double pression : trĂšs fortement incitĂ©s par leur famille Ă rĂ©ussir Ă lâĂ©cole (« Pense Ă ton avenir ! Le monde est de plus en plus dur ! »), il leur est aussi demandĂ© de sâĂ©panouir, de dĂ©velopper leur autonomie. Ces attentes et les moyens dây faire face varient selon leur milieu social. La conciliation de ces deux injonctions Ă la rĂ©ussite scolaire et Ă lâĂ©panouissement individuel pourrait bien aussi ĂȘtre au principe du succĂšs remportĂ© par des entreprises de cours particuliers ou de « soutien scolaire ». Elles affichent une volontĂ© dâattention Ă chaque Ă©lĂšve dans son individualitĂ©, alors mĂȘme que leur objectif premier est de permettre Ă leurs clients lâaccĂšs Ă des filiĂšres ou des classes convoitĂ©es dans une compĂ©tition scolaire ardente. Cette demande double que les classes moyennes, en particulier, adressent Ă lâĂ©cole, ces entreprises dĂ©clarent y rĂ©pondre (3).
Mais lorsque lâenfant nâest pas Ă lâĂ©cole, que fait-il ? Interviennent ici diverses variables : sexe, milieu social dâappartenance, ressources financiĂšres et culturelles, ampleur de lâespace des possibles (lâaccessible et le pensable), mais aussi zone rurale ou urbaine de rĂ©sidence, taille de la commune et corrĂ©lativement diversitĂ© des offres proposĂ©es par le secteur privĂ© ou les structures associatives et publiques. Selon des enseignants exerçant dans les quartiers de milieux aisĂ©s, la journĂ©e la plus Ă©prouvante pour leurs Ă©lĂšves est souvent⊠le mercredi, oĂč, Ă partir de 7 ou 8 ans, se rĂ©partissent 4 Ă 5 activitĂ©s en plus du travail scolaire. Câest une journĂ©e au cours de laquelle ils semblent ne pas avoir un moment Ă eux.RĂȘver, jouer, ne rien faireâŠ
Câest Ă©videmment moins le cas dans les quartiers populaires ; mais quand les enfants ou les adolescents y sont pris en charge par des structures collectives (maison de lâenfance, centre de loisirs sans hĂ©bergement, etc.), la tendance est Ă lâorganisation dâactivitĂ©s multiples, leur permettant de goĂ»ter Ă diverses pratiques culturelles, ludiques, sportives, qui ne leur sont pas accessibles dans leur milieu familial⊠Ăpanouir, Ă©largir les horizons, rĂ©tablir une certaine justice sociale dans lâaccĂšs aux loisirs, avec la conviction largement partagĂ©e que ces activitĂ©s sont porteuses dâapprentissages utiles pour la rĂ©ussite, sont autant de bonnes raisons â rationnelles et raisonnables â qui se conjuguent pour pousser Ă ouvrir largement lâĂ©ventail des offres.
En sorte que, ce faisant, et quel que soit leur milieu social, les enfants ou les adolescents semblent disposer de moins de temps quâils nâen disposaient naguĂšre pour ne rien faire. Quâappelle-t-on ici « ne rien faire » ? Dâune part ne rien faire de « concret » aux yeux des adultes, et, en particulier, rĂȘver, ou sâennuyer, ou encore jouer Ă des jeux que lâon invente, apparemment Ă©chevelĂ©s et dĂ©pourvus de rĂšgles ; dâautre part, faire des choses qui ne sont pas organisĂ©es, prĂ©vues, rĂ©gulĂ©es par des adultes, autrement dit, jouer ou sâoccuper « librement ».DĂ©fense de perdre son temps !
Pourtant, les psychologues ont bien montrĂ© la fĂ©conditĂ© de ce temps « vide » pour aider un enfant Ă grandir. Le rĂȘve permet de prendre le temps dâĂ©laborer son dĂ©sir et de symboliser. Lâennui lui-mĂȘme permet de dĂ©couvrir peu Ă peu son dĂ©sir personnel, et pas seulement le dĂ©sir des adultes sur lui ; ce qui fait problĂšme, câest lâennui permanent, rĂ©current, dans la mesure oĂč il est le symptĂŽme dâun mal-ĂȘtre ou dâune trop grande absence de stimulation. Le jeu, notamment celui consistant à « faire semblant », permet de se reprĂ©senter, dâĂ©laborer, de sâapproprier des situations, en mĂȘme temps que de mettre de la distance avec ce qui est ; il permet dâarticuler le dedans et le dehors, moi et lâautre ; et, surtout quand les adultes en sont exclus et nây comprennent rien, le jeu dĂ©veloppe chez lâenfant sa capacitĂ© Ă appartenir, en particulier Ă son groupe dâĂąge. Jouer en se donnant ses propres rĂšgles, jouer en modifiant voire en subvertissant au besoin les rĂšgles dâun jeu canonique (par exemple jouer au foot en se donnant le droit dâutiliser les mains), inventer des rĂšgles ou moduler au grĂ© du groupe et selon ses procĂ©dures les rĂšgles dâun jeu existant, câest faire lâexpĂ©rience sociale des rĂšgles, de leur nĂ©cessitĂ©, et de leur construction. Câest une expĂ©rience distincte, mais riche elle aussi, de celle consistant Ă jouer selon les rĂšgles consacrĂ©es et homologuĂ©es. Comme est nĂ©cessaire le temps consacrĂ© Ă jouer Ă pas grand-chose, Ă papoter, Ă parloter, Ă rire ensemble de tout et de rien : le dĂ©veloppement psychomoteur et relationnel est ici Ă lâĆuvre. Certes, cette offre plĂ©thorique dâactivitĂ©s offertes aux enfants a sans doute pour principe le souhait des nombreux parents qui travaillent de faire Ă©chapper les enfants et les adolescents Ă lâemprise de la tĂ©lĂ©vision ou de la « Playstation », ces nouvelles baby-sitters de masse de notre modernitĂ©.
Il nâempĂȘche quâon observe une rĂ©ticence Ă envisager un temps pour ne rien faire. Cette rĂ©ticence pourrait bien reposer sur lâidĂ©e que ne rien faire câest perdre son temps, un temps prĂ©cieux qui serait beaucoup mieux utilisĂ© Ă dâautres choses !
Mais tout se passe aussi comme sâil y avait une crainte face Ă une inoccupation considĂ©rĂ©e comme pĂ©rilleuse, dans la mesure oĂč lâenfant nâa pas encore intĂ©grĂ© des normes de comportement et dâautocontrĂŽle. Du coup, la question devient celle des conditions dans lesquelles enfants ou adolescents vivent le temps non meublĂ© par des adultes. Pourquoi semble-t-il si difficile dâimaginer des activitĂ©s « libres », certes cadrĂ©es mais non organisĂ©es par les adultes, qui se dĂ©rouleraient sous leur surveillance et leur responsabilitĂ© mais sans quâils y soient impliquĂ©s ?
Laisser les enfants et les adolescents sâoccuper seuls gĂ©nĂšre souvent un sentiment de culpabilitĂ©, de se dĂ©rober Ă ses responsabilitĂ©s Ă©ducatrices : les animateurs par exemple, ont le sentiment dâĂȘtre payĂ©s Ă ne rien faire, de ne pas mettre en Ćuvre les compĂ©tences qui sont les leurs, alors mĂȘme que ce quâils ont Ă proposer peut ĂȘtre de qualitĂ©, et de ne pas rĂ©pondre Ă lâattente des parentsâŠ
Pourtant, quand les enfants sâactivent Ă ne rien faire qui soit organisĂ© par les adultes, ceux-ci peuvent ĂȘtre prĂ©sents, comme contenants, sans intervenir pour autant dans le rĂȘve, le jeu, lâinteraction ; ce qui ne revient pas Ă ĂȘtre passif : lâadulte maintient un cadre, il observe, il assure la sĂ©curitĂ© et la vigilance, il protĂšge, avec les modulations nĂ©cessaires selon lâĂąge des enfants ou des adolescents. Autrement dit, quand les enfants et les adolescents « ne font rien », lâadulte peut tout de mĂȘme ĂȘtre en activitĂ©.NOTES
(1) R. Sue et Y. Rondel, « Rythmes de vie et Ă©ducation », Ăducation et Modes de vie. Les Cahiers millĂ©naires, n° 24, juillet 2001.
(2) G. Pronovost, Sociologie du temps, De Boeck, 1996.
(3) D. Glasman et G. Collonges, Cours particuliers et construction sociale de la scolarité, CNDP/FAS, 1994.
Succombant Ă la tyrannie de la vitesse, dans un monde qui ne cesse de s’accĂ©lĂšrer (cf. les livres de Hartmut Rosa), que penser des sĂ©jours qui se font toujours plus loin pour un temps toujours plus court ? Des programmations Ă outrance, des activitĂ©s en abondance ? Quelle organisation pour les ACM ?
Quel rapport au temps dans le loisir des enfants ?